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Le coaching : une mesure au service du développement durable ?
Posted on 3 February, 2020 at 4:26 |
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Il faudrait être sourd et aveugle, un ermite coupé du monde
ou un climato-sceptique convaincu pour ne pas être au courant de LA thématique
qui fait la une de l’actualité. Les mots-clés
« développement durable », « biodiversité »,
« réchauffement climatique » ainsi que les noms de Greta Thunberg,
d’Extinction Rebellion ou des divers lieux liés aux manifestations pour le
climat font partie désormais de nos discussions et de nos préoccupations. En ce qui me concerne, j’ai pris le parti, tel le colibri de
la fable amérindienne du même nom, de faire ma part plutôt que succomber au
défaitisme et au sentiment d’impuissance devant l’ampleur de la tâche ainsi que
devant l’immobilisme des politiques. Il y a d’abord les gestes
écologiques : ampoules LED ; utilisation d’énergies autres que
fossiles ; diminuer la consommation de protéines animales ; acheter local,
en vrac et bio ; se déplacer en transports publics plutôt qu’en voiture ou
en avion. Mais cela suffit-il ? La sauvegarde de nos écosystèmes peut-elle
se limiter à des changements de comportements « de surface » ou
nécessite-t-elle une réflexion en profondeur de ce qui se cache derrière nos
attitudes ? Dans leur ouvrage prônant l’écologie intérieure[1],
Marie Romanens et Patrick Guérin parlent de la nécessité de réintroduire de la « reliance »
et de rétablir un lien plus équilibré entre ce que ce nous sommes et ce dont
nous faisons partie. Autrement dit : pour mieux vivre avec le monde qui
nous entoure, il nous faut (ré)apprendre à prendre soin du lien avec nous-même.
À quoi cela nous sert-il d’appliquer une liste de nouveaux comportements
éco-responsables si nous ne nous penchons pas sur ce qui fait que nous
consommons autant voir (beaucoup) trop ? L’acte de recycler ce qui finit
dans nos diverses poubelles peut-il se passer d’une réflexion autour du tri de
nos « déchets intérieurs », de nos « faux besoins »,
souvent imposés par la société et/ou par nos « pensouillures »[2]
mentales. Comme le soutiennent les deux auteurs, nous nous coupons
souvent de nos vrais besoins, de ce qui est essentiel pour nous car « à une époque où le rationnel et l'objectivité prévalent, où l'accent est
mis sur les performances et la réussite, il n'est guère facile de laisser
apparaître sa sensibilité, son émotivité, ses facultés intuitives, la douceur
de son coeur et son imaginaire poétique. Tout ce versant de l'être doit rester
indécelable, sous le contrôle de la volonté » (p. 144) et, ajouterais-je,
anesthésié par des comportements éco-irresponsables dont l’objectif est de nous
soustraire à notre vulnérabilité[3]. Dans ce sens, le coaching, du moins tel que je le comprends et le pratique, n’est pas juste un effet
de mode qui « épouse » l’actualité mais bel et bien une mesure de
développement durable. En effet, si l’on en croit Regula Kyburz-Graber, Ueli Nagel et François Gingins[4],
il est nécessaire, pour permettre à chacun-e de se développer de manière
durable et écologique, d’apprendre à agir malgré les incertitudes, à affronter
les contradictions (en commençant par celles intérieures) de manière
constructive, à réfléchir à ses valeurs, à développer de nouveaux regards ainsi
qu’une compréhension systémique, sur soi-même et sur nos contextes
professionnels et personnels. Un programme, certes exigeant et demandeur de temps, mais de
mon point de vue incontournable si l’on veut parler d’une écologie véritable et
complète. [1] Guérin, P. & Romanens, M. (2010). Pour une
écologie intérieure. Paris : Payot. [2] Marquis,
S. (2016). On est foutu, on pense trop.
Comment se libérer de Pensouillard le Hamster. Paris : Points. [3] Voir
à ce sujet la vidéo-conférence TEDx de Brené Brown « Le pouvoir de la
vulnérabilité » : https://www.ted.com/talks/brene_brown_the_power_of_vulnerability?language=fr
- t-17490 [4] Kyburz-Graber, R., Nagel, U., Gingins, F. (2010). Demain en main. Enseigner le développement
durable. Mont-sur-Lausanne : LEP. Cet article est une version modifiée de celui paru sur le site de Coaching Services en janvier 2020. |
Au sec....ours !
Posted on 3 February, 2020 at 4:07 |
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Être seul….vraiment ?
Posted on 9 June, 2018 at 17:11 |
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De
retour dans mon lieu de retraite favori, accueilli avec bienveillance et humanité
malgré des circonstances difficiles pour toute l’équipe sur place, je savoure
ces instants de solitude et de
rendez-vous avec moi-même, marqués par des balades, des temps d’écriture, de
lecture et de repas. Plusieurs interrogations cependant me taraudent : suis-je
vraiment seul ? pourquoi ces moments de solitude me font-ils tant de
bien ? et pourquoi est-ce que je ressens de la tristesse à chaque fois que
je me prépare pour mes week-ends de mini-retraite ? Ces
questions font écho au sentiment de solitude que vivent certains clients et
dont ils souffrent parfois : l’impression que les autres ne peuvent réellement
comprendre ce que ces personnes endurent, d’être non seulement seuls mais également isolés par un vécu que les autres ne partagent pas ou n’ont jamais
partagés. Dans une problématique différente que j’accompagne actuellement, un
collectif se plaint d’un des travers les plus fréquents dans le cadre d’un « management » déshumanisant : « on »
(les supérieurs, difficilement identifiables) demande au groupe d’être autonome
et, lorsqu’il y a problème, il n’y a plus personne pour épauler les employés
demandeurs.
Je
ne peux que partager ce sentiment voir cette souffrance qui me renvoie à mon
vécu du burn-out, pendant lequel j’ai effectivement ressenti une profonde et
parfois abyssale solitude doublée d’un sentiment d’isolement au sein d’une
communauté, familiale et professionnelle, pour laquelle j’avais l’impression d’être
un pestiféré que l’on considérait certes avec bienveillance et un brin de
condescendance, mais que l’on aurait aimé voir guérir et revenir à la
« normale » le plus rapidement possible. Comme
le dit si bien Jacqueline Kelen [3],
« on est toujours plus seul qu'on ne le croit et bien moins seul qu'on ne
pense ». L’auteur ne fait cependant pas uniquement allusion aux personnes
qui nous accompagnent sur ce chemin aride et accidenté de la solitude :
elle ouvre des portes qui peuvent nous permettre d’accepter et de transcender
ce vécu. Le
fait que la solitude soit perçue comme un isolement par la personne qui la
subit et en souffre repose donc sur un mythe : celui de la fusion, de la
symbiose. L’autre – quel qu’il soit – devrait non seulement être capable de
« lire » notre monde mais en plus être à même de le comprendre et de
l’accepter…alors que nous sommes souvent bien maladroits voire incapables de
faire de même en regard de notre univers, voire de nos « multivers »,
de nos multiples univers… Or,
c’est justement cette même solitude, mais choisie cette fois – « La seule
solitude qui vaille c'est celle qu'on choisit, pas celle qu'on subit [6] »
– qui nous permet d’aller à la rencontre de nous-même. Pour le dire avec les
mots de Lytta Basset, « consentir à sa solitude, c’est devenir homme et
femme, devenir un [7] ». Ce
voyage n’est pourtant pas une balade d’agrément, car, comme le souligne
Jacqueline Kelen, « cette immensité peut faire peur, car elle demande des
égards et requiert des devoirs [8]. » :
découvrir et explorer ces mondes qui nous constituent et qui s’entrechoquent
parfois demande en effet à la fois une grande capacité de bienveillance et de
patience envers nous-même ainsi qu’une compétence de négociation et de mise en
dialogue de nos diverses facettes. Un apprentissage
permanent qui, en plus de la difficulté de la tâche, n’est ni facilité ni
encouragé par la société actuelle pour qui la communication est avant tout une
affaire d’extimité, c’est-à-dire d’une intimité travestie, un « faux
self » publié via les réseaux sociaux. Or, si l’on en croit Nicole Fabre
« c'est dès l'enfance que nous devrions éduquer ceux qui nous sont confiés
à supporter et à aimer la solitude. Ne pas leur donner en pâture les groupes
d'amis qui, en retour, les absorberont. Supporter de les voir parfois s'ennuyer
ou perdre du temps afin que naissent les désirs, que se développe le rêve -
leur rêve. Mais, pour cela, il nous faut croire en la valeur de la solitude,
savoir et croire qu'elle est féconde et qu'elle nous rend capable d'être nous-mêmes
lorsque nous retournons au milieu des autres [9]". Apparaît
ici la deuxième porte susceptible de donner du sens au sentiment de solitude
profond que vivent certaines personnes : pour entrer réellement en
relation avec les autres, il est nécessaire d’être seul et, lorsqu’on est seul,
on est relié aux autres, « alone, all one : seul avec tous [10] ».
La solitude, surtout lorsqu’elle choisie et assumée, nous permet en effet dans
un premier temps d’entrer en relation avec nos émotions, nos pensées, nos besoins,
nos envies, nos élans, nos rêves – tout ce qui constitue notre monde intérieur
– pour ensuite pouvoir véritablement nous relier aux autres, à leur propre solitude
et à leur univers. L’idéal de la relation serait donc d’être un
« solitaire sociable [11] »
ou, comme j’aime à le dire, « un solitaire solidaire » qui aime à la
fois « être seul en étant accompagné et être accompagné en étant seul [12] ».
Ce
qui me touche et me frappe chez mes clients qui traversent, chacun à sa façon,
ce désert de solitude vécue comme un isolement, c’est le fait qu’ils trouvent
pour la plupart une grande ressource dans le contact avec la nature – et, si
possible, en étant seul. De mon point de vue, ces personnes prennent ainsi soin
de leur lien non seulement aux autres mais également – voire surtout – à
l’Autre : au Grand Tout, à l’Univers, au Souffle, à la Source. Peu importe
le nom que chacun-e veut bien lui donner, le vécu de la solitude « entendue
comme un isolement dramatique (…) apparaît dès lors comme un terreau possible
pour un approfondissement, une découverte quasi métaphysique de l'homme à la
fois perdu et relié [13] ».
C’est donc en assumant sa solitude et en en prenant soin qu’on peut y trouver une ouverture, une « reliance [14] »
à soi, aux autres et à l’Univers – un paradoxe qui n’est qu’apparent. Que
cela soit dans le parcours de vie de mes clients ou dans le mien, les moments
de solitude vécue comme un isolement, comme un exil involontaire et subi,
alternent ainsi – ou, en ce qui me concerne, ont alterné – avec des moments de
solitude choisie et revendiquée, car ressourçante et reliante. Et, peu à peu,
pas après pas, ce qui est fuit devient objet de sollicitude jusqu’à devenir un
besoin incontournable et non négociable : la solitude devient un lieu
ressource, parfois refuge, qui permet de se reconstruire, de se
« re-co-naître » et de revenir renouvelé vers les autres. En d’autres
termes, « pour se découvrir capable d'attachement, il faut avoir été
attaché puis détaché. Pour vivre sa solitude dans ce qu'elle a de plus profond,
de fondamental, à la fois douloureux et riche, il faut en somme avoir joué au
fort-da [15] ». Je
comprends dès lors mieux l’irrésistible élan qui habite certains de mes clients
– et qui m’a hanté longtemps également – de quitter celles et ceux qui leurs
sont chers (c’est le « fort » qui, en allemand veut dire,
« loin »), suivi par une phase pendant laquelle l’exilé plus ou moins
volontaire revient « au port » (le « da » qui, en allemand,
signifie « là »), plus heureux que jamais de retrouver les liens
initiaux, privés ou professionnels. Et j’arrive également à mettre des mots sur ce sentiment ambigu et
diffus que je ressens à chaque fois que je fais mes valises pour une ou deux
journées de véritable solitude choisie, assumée et revendiquée : au fond
de moi, « quelque chose » doit à chaque pouvoir s’arracher, se
détacher – Fabrice Midal dirait, au sujet de la méditation, se « dés-attacher »
- pour mieux revenir et réinvestir les liens et aussi les rôles du quotidien. Même
si la tâche n’est pas dès plus accessible et que la grâce est indissociable
d’un effort, je ne peux que vous encourager, chères lectrices et chers
lecteurs, à prendre soin de vous en vous donnant la permission d’aménager des
moments de solitude que chacune et chacun habitera comme bon lui semble. Il
n’est à mon avis pas nécessaire de se retirer du monde pendant plusieurs
années, comme l’a fait Matthieu Ricard, moine bouddhiste et interprète du Dalaï
Lama : quelques minutes ou heures suffisent parfois à condition d’être
respectées de manière régulière. Je me souviens d’un cadre d’une ville de la
Côte qui me disait qu’il restait parfois volontairement enfermé dans les
toilettes du bureau plus longtemps que nécessaire, car c’était le seul endroit
où on ne venait pas le déranger. Comme ce monsieur – si vous permettez le jeu
de mots facile et douteux – restez à l’écoute de vos besoins les plus profonds. Les illustrations de cet article sont toutes des photographies réalisées par Evynn LeValley dont la sensualité et les nuances de la série "Feminine Solitude" m'ont beaucoup touché (pour plus de détails : http://www.evynnlevalley.com/fineartFS.php) [1] André, C. (2006). Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l'estime de soi. Paris: Odile Jacob. [2] Basset, L. (2010). Aimer
sans dévorer. Paris: Albin Michel, p. 201. [3] Kelen, J. (2005). L'esprit
de solitude. Paris: Albin Michel, p. 197. [4] Lenoir, F. (2012). L'Âme
du monde. Paris: NiL Editions, p. 146-147 [5] Servan-Schreiber, J.-L. (2015). C'est la vie. Essais. Paris: Albin Michel, p. 28 [6] André, C. (2006). Imparfaits,
libres et heureux. Pratiques de l'estime de soi. Paris: Odile Jacob, p. 237 [7] Basset, L. (2010). Aimer
sans dévorer. Paris: Albin Michel, p. 201 [8] Kelen, J. (2015). Sois
comme un roi dans ton coeur. Entretiens. Genève: Labor et Fides, p. 32 [9] Fabre, N. (2004). La solitude. Ses peines et ses
richesses. Paris: Albin Michel, p. 29
[10]
Kelen, J. (2005). L'esprit de solitude. Paris: Albin Michel, p. 198 [11]
André, C. (2006). Imparfaits, libres et heureux.
Pratiques de l'estime de soi. . Paris: Odile Jacob, p. 237 [12] Corneau, G. (2003). Victime des autres, bourreau de soi-même. Paris : Laffont. [13] Fabre, N. (2004). La solitude. Ses peines et ses
richesses. Paris: Albin Michel, p. 67 [14] Guérin, P. & Romanens, M.
(2010). Pour une écologie intérieure. Paris: Payot. [15] Fabre, N. (2004). La
solitude. Ses peines et ses richesses. Paris: Albin Michel, p. 80
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Être dans le contrôle…et le perdre.
Posted on 3 February, 2018 at 11:48 |
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Après plusieurs mois de cheminement, je m’octroie à nouveau une pause dans
mon pèlerinage. L’occasion de faire le point sur mes émotions, mes besoins, mes
envies. Sur ce qui m’habite tout au fond de moi et que j’ai parfois de la peine
à entendre dans le tumulte d’un quotidien (à mon goût souvent trop) bien rempli
et bruyant.
C’est aussi la première fois depuis le mois de novembre 2016 et depuis
la publication de mon témoignage écrit cet automne que je me prépare à rédiger
un article pour mon blog – exception faite de ma contribution de début janvier,
une reprise d’une « commande » des mes collègues et amis de
Coaching-Services. Bien que décidé à « accoucher » de nouvelles
réflexions, je me retrouve sans aucune inspiration, mon intuition me soufflant
de manière répétée que, au fond, je n’ai besoin de rien et encore moins
d’écrire. Je lâche prise et me dis que, à part moi, personne n’attend quelque
production que ce soit. Et que, quand l’envie de me mettre au clavier viendra,
je serai à l’écoute. Comme souvent lors de mes « mini-retraites » d’un week-end,
je me fais plaisir en regardant un film dont je sais qu’il a de fortes chances
de ne pas obtenir les suffrages de ma famille pour nos soirées TV communes. Ce
soir-là, je jette mon dévolu sur un film sorti en janvier 2017 et présenté au
festival de Sundance : To the Bone
(Jusqu’à l’os) qui raconte l’histoire de Ellen (interprétée avec beaucoup
de finesse et justesse par Lily Collins,
fille aînée de Phil), une jeune fille anorexique de 20 ans, et son chemin vers
la guérison. Que cela soit dans la bande annonce ou dans le récit, il est frappant
de voir à quel point les personnages mettent de l’énergie à contrôler leur
corps, leur poids et leur alimentation : mesures incessantes du tour de
bras par exemple, exercices physiques à outrance, vomissements forcés,
connaissances extrêmement pointues du nombre de calories présentes dans
l’assiette, obsession du poids. Une « contrôlite » qui débouche au
mieux sur des pertes de connaissances ou, à l’extrême, sur la mort. Et, donc,
sur une absence totale de contrôle sur sa vie. C’est en effet ce paradoxe que j’aimerais principalement relever ici.
Du haut de notre « tour de contrôle »[2] dont
la hauteur nous est utile, pensons-nous, à nous orienter dans une société qui
met en avant des valeurs de performance et de réussite, nous nous illusionnons de
pouvoir maîtriser le temps ainsi que le cours de notre vie. Nous gérons notre
existence comme nos comptes en banque, avec objectivité, anticipation,
planification et intérêts. Nous pensons pouvoir contrôler l’imprévu et
l’imprévisible, les aléas du présent comme les incertitudes de l’avenir. Craignant d’être affectés, modifiés, transformés voire détournés pas nos
émotions, nos sentiments et nos blessures, nous nous emmurons dans une prison
que nous nous construisons nous-mêmes et dont nous sommes à la fois le
prisonnier et le geôlier. Poussés par
notre mental, fidèle allié de notre ego dans sa volonté de contrôler ce qui
pourrait représenter une menace à ses routines, et nous identifiant à nos
croyances et à nos schémas inconscients, nous nous mettons très souvent sur
mode « pilote automatique », confondant action avec réaction et privilégiant
le faire à l’être. C’est ainsi que, paradoxalement, la volonté de maîtriser
notre vie, extérieure et bien plus encore intérieure, débouche sur une perte de
contrôle. Réglé sur mode automatique, notre pilote augmente en effet les possibilités
de sorties de route : burn-out, dépression, accidents, maladies
chroniques. Nous pensons
gagner notre vie en nous lançant des défis dont la réalisation nous rassure, sans
prendre en considération que nous nous éloignons parfois de l’essentiel et de
l’essence. Que nos vies ressemblent parfois à une course contre le temps et que
nos journées, pourtant bien (voir trop) pleines, sont parfois vides de moments
de plénitudes. Mais alors,
me direz-vous, comment se sortir de ce cercle vicieux et de cette prison ?
Comment remettre un véritable pilote dans notre véhicule de vie ? Principalement
en prenant conscience de ce que nous ne voulons pas voir et ce qui nous fait
peur : notre intimité, nos émotions, notre vulnérabilité ainsi que nos
schémas récurrents et nos croyances, certes utiles mais parfois très limitantes.
Car, « lorsqu'on est conscient d'une chose, on peut prendre le contrôle
sur cette chose. Lorsqu'on n'est pas conscient d'un sentiment, c'est lui qui a
le contrôle sur vous »[5]. Ce que l’on appelle communément un « travail sur soi » revient alors
à observer, nommer et à accueillir avec bienveillance ce magma intérieur que
constituent notre affectivité, nos peurs, nos doutes. Sans oublier notre
tendance à la Toute-Puissance qui représente souvent une réponse à la peur de
perdre de contrôle…et une autre manière de contrôler notre vie ou ce que nous
aimerions qu’elle soit. Il ne s’agit
nullement de livrer un combat contre nos démons – ce qui équivaudrait à vouloir
reprendre le contrôle, une lutte dont on sort presque toujours perdant et qui
contribue à l’épuisement – mais de se réconcilier avec eux en leur laissant une
place mais pas toute la place. Cette
acceptation, cet accueil de toutes les parts de soi nous permet également de
lâcher prise et de faire confiance, car « plus nous progressons dans ce
travail de lucidité, d'individuation, de consentement à la vie, plus nous
découvrons que nous ne sommes pas uniquement cet ego auquel nous nous sommes
identifiés »[6]. Dans le film
à l’origine de ces réflexions, une scène significative renvoie à cette
négociation nécessaire avec nos voix intérieures, avec nos saboteurs et
imposteurs préférés : lorsque Ellen se plaint auprès du docteur Beckham
(interprété par Keanu Reeves) de son incapacité à désobéir à cette voix harcelante
qui lui dicte ses actions, son interlocuteur lui propose d’accueillir cette
présence plutôt que de la nier ou de lutter contre elle et ensuite de lui dire,
avec force et conviction : « Va te faire foutre ! » et de
lui désobéir. Commence
alors un véritable travail de libération qui débouche souvent sur une liberté à
la fois intérieure et extérieure. Nous faisons des choix de vie, privée et/ou
professionnelle, en nous appuyant sur une meilleure connaissance de qui nous
sommes réellement, avec nos lumières et nos ombres, nos forces et nos limites.
Nous acceptons de contrôler ce qui peut l’être (pas grand chose, au fond) et de
rendre aux autres et à la vie ce qui leur appartient. Ce qui nous rend plus
légers, plus libres. Et, surtout, plus vivants. Car reliés à ce qui fait que
nous sommes à la fois uniques, différents et universels. À vous toutes
et tous, chères lectrices, chers lecteurs, je vous souhaite une très belle
année 2018 riche en aventures intérieures, en cheminements vers soi et…en
pertes de contrôle. [1] Lire à ce sujet l’article du Temps paru le 6 août 2017 (https://www.letemps.ch/sciences/2017/08/06/to-the-bone-cree-controverse-autour-lanorexie) [2] Une expression empruntée
à Labonté, M. L. (2009). Le point de rupture. Comment les chocs d'une vie
nous guide vers l'essentiel. Paris: Albin Michel.
[3] Guérin, M. & Romanens, P. (2010). Pour une écologie intérieure.
Paris: Payot, p. 144
[4] André, C. (2012). Sérénité. 25 histoires d'équilibre intérieur.
Paris: Odile Jacob, p. 58-59
[5] Mello, A. D. (1994). Quand la conscience s'éveille. Montréal &
Paris: Bellarmin & Deslcée de Brouwer, p. 92
[ 6] Lenoir, F. (2015). La puissance de la joie. Paris: Fayard, p. 152
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1 + 1 = 3 ?
Posted on 4 January, 2018 at 8:43 |
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Apparemment, un coaching individuel
se résume à un « one to one », à une rencontre entre deux personnes
dont l’une est demandeuse et l’autre disposée à mettre en œuvre des compétences
permettant à la première d’atteindre ses objectifs. Mais est-ce vraiment si
simple ? Les apparences sont paraît-il souvent trompeuses. Plusieurs
raisons me font dire que, en matière d’accompagnement, 1 + 1 = 3 : une
troisième dimension vient en effet s’inviter et elle joue un rôle primordial
dans le processus.
J’adhère tout d’abord aux propos de
Jacques-Antoine Malarewicz[1]
lorsqu’il avance que le troisième « larron » dans un accompagnement
s’avère être le changement – et, par conséquent, le non-changement. Qu’elle
soit « acheteuse », « touriste » ou « co-pilote »,
la personne accompagnée se comporte et se positionne en fonction d’un contrat,
implicite ou explicite, dont l’objectif est de permettre à la personne d’opérer
des modifications à des niveaux plus ou moins profonds, que cela soit sur son
contexte ou, idéalement, sur elle-même. Les enjeux se situent ainsi à deux
niveaux : la volonté de (non-) changement du coaché et ma volonté de voir
l’autre changer. Si, dans la première dimension, je me demande régulièrement
dans quelle mesure je cautionne ou pas le désir de (non-) changement chez
l’autre, la deuxième dimension requiert encore plus d’honnêteté de ma part :
dans quelle mesure mes attentes vis-à-vis du changement d’autrui ne représentent-elles
pas un frein voire un obstacle au coaching ? En effet, ce n’est pas parce
que « ça » n’avance pas – sous entendu : comme j’aimerais que
« ça » avance – que « ça » n’avance pas… Une dimension éthique et
déontologique qui engage les partenaires du contrat dans leur humanité et leur
intégrité. Dans ce sens, il m’arrive – pas assez souvent à mon goût – de
méta-communiquer avec mon vis-à-vis au sujet de mes observations et de mon
ressenti par rapport à ce que le langage verbal ou non-verbal de la personne
accompagnée génère chez moi.
Quand par exemple, lors de la
deuxième séance, je constate que ma cliente emprunte mon stylo pour effectuer
une activité écrite car elle a, comme lors de notre première rencontre, oublié de
prendre le sien, je lui fais part de mon constat ainsi que de ma surprise et
lui demande : « qu’est-ce qui fait que vous écrivez votre nouvelle vie avec mon stylo ? ». Dans ce cas, la
réflexion autour de cette question a été porteuse de fruits : lors de la
rencontre suivante, la personne accompagnée a fait preuve d’une plus grande
autonomie, tant au niveau de l’accompagnement que dans son contexte de vie. Un
« garde-fou » indispensable pour ma très humaine tendance à la
Toute-Puissance et un gage d’humilité pour le duo, confronté ainsi à ses
responsabilités et à ses limites. Et si, au lieu de préparer deux
verres d’eau en début de mon prochain entretien, j’en prévoyais un de plus ?
Allez ! À trois, je me lance… [1] Malarewicz, J.-A. (2011, 3 édition). Réussir son coaching. Une approche systémique. Orléans : Pearson Education France. [2] Le Bouëdec, G. (2001). Une posture éducative fondée sur
une éthique. Cahiers pédagogiques, n°
393, avril 2001, pp. 18-20. [3] Basset,
L. (2013). S’initier à l’accompagnement
spirituel. Treize expériences en milieu professionnel. Genève : Labor
et Fides. Cet article est une version illustrée du billet du mois de septembre de Coaching-Services (http://www.coachingservices.ch/newsletter/1-1-3). La première et la dernière photographie sont celles d'une création de Andreas Lewandowski
intitulée"1+1=3 (A Meeting Between Two Creates Something New)" disponibles sur son site (http://www.andreaslewandowski.se/1-1-3) |
Être enthousiaste : jusqu’où aller trop loin ?
Posted on 12 November, 2016 at 15:39 |
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Être acteur ou auteur de sa vie ?
Posted on 17 October, 2016 at 15:44 |
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Le coach voyageur
Posted on 5 September, 2016 at 11:00 |
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La pause
estivale touche à sa fin, les derniers aoûtiens sont de retour de vacances,
après avoir éventuellement bravé le bouchon du Gothard et défait leurs valises.
C’est aussi le moment de revoir des voisins, des collègues de travail et des
amis pour leur parler d’une des activités principales en lien à la parenthèse
de l’été : notre (ou nos) voyage(s).
Je dois
vous avouer humblement que je redoute cet exercice : que cela soit la
Floride, Zermatt ou l’Andalousie, les récits de mes interlocuteurs (et les miens
aussi, d’ailleurs) me mettent souvent mal à l’aise, car ils se limitent la
plupart du temps à une énumération de faits, d’anecdotes et, parfois,
d’exploits dignes d’un bon polar, d’un film de James Bond quand ce n’est
pas d’un des épisodes des Bronzés. Ces
partages me laissent souvent sur ma faim : je constate en effet que,
au-delà de l’échange d’informations, la véritable communication, c’est-à-dire
celle qui consiste à livrer ses ressentis et ses émotions, a rarement lieu et
mon interlocuteur et moi-même ne faisons que de nous croiser sans véritablement
nous rencontrer, l’objectif principal de la discussion étant de montrer à
l’autre (et probablement aussi à soi-même) que notre voyage a été une réussite
et/ou que nous avons « fait quelque chose » de nos vacances. Et
pourtant, ce n’est pas faute d’essayer de glaner ici et là quelques signes de
vécu et d’authenticité. Comme Proust, cité par Laurent Gounelle ,
j’essaye de me dire que "le seul véritable voyage, le seul bain de
Jouvence, ce ne serait pas d'aller voir de nouveaux paysages, mais d'avoir
d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de
voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est". Je cherche donc à me mettre dans la peau, dans le
cœur, dans la tête, d’ « embrasser
l’univers » de l’autre en l’écoutant et lui posant des questions pour
en savoir plus, parfois avec succès, souvent en restant cependant dans le
registre du « faire » et non de l’ « être ». Comme souvent, « je
suis sûr des mes doutes et je doute de mes certitudes » (Bertrand
Piccard ). J’ai
cependant l’intime conviction que, à l’instar d’un personnage d’une des
intrigues « philosophico-psychologiques » d’Irvin Yalom, j'apprends
à lire dans mes pensées pour que, fort de cette expérience, je puisse aider les
autres à le faire dans les leurs. Le but n’est donc pas tellement de savoir si
je peux ou si je dois voyager dans l’univers de mon interlocuteur, mais plutôt
de me donner les moyens de voyager dans mon propre monde afin de pouvoir aider
mon vis-à-vis à réaliser son propre périple, son propre voyage intérieur. Que je sois « le voisin qui raconte ses
vacances » ou celui qui endosse l’habit de coach, la profondeur du voyage
ne m’appartient pas : cette responsabilité revient à mon vis-à-vis. Ma
tâche principale consiste donc probablement à être un voyageur intérieur prêt à
accompagner la personne aussi loin qu’elle est d’accord d’aller, la véritable
destination résidant dans le voyage en lui-même. Sans oublier que, comme le
relève Gandhi, « le plus grand voyageur n'est pas celui
qui a fait dix fois le tour du monde, mais celui qui a fait une seule fois le
tour de lui-même. » Olivier Mack, formateur et coach indépendant (www.mackoaching.net) (Cet article est une reprise illustrée du "Billet du coach" de septembre 2016, publié sur le site de Coaching-Services)
Gounelle, L. (2010). Les dieux voyagent toujours incognito.
Paris: Anne Carrière/Pocket.
Servan-Schreiber, J.-L. (2015). C'est la vie.
Essais. Paris: Albin Michel.
Piccard, B. (2014). Changer d'altitude pour mieux
vivre sa vie. Quelques solutions pour mieux vivre sa vie. . Paris: Stock
Yalom, I. (2012). Le problème Spinoza. Paris:
Editions Galaade, Le Livre de Poche.
Vergely. B. (2014). Deviens qui tu es. Quand les
sages grecs nous aident à vivre. Paris : Albin Michel.
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Être en larmes
Posted on 4 June, 2016 at 13:22 |
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« Pleure : les larmes sont les pétales du cœur » (Paul Éluard) Une fois seul dans le train,
je me sonde et tourne mes oreilles en direction de mon cœur et de mon
âme : que se passe-t-il en moi ? quelles sont les émotions qui se font
vives ? quelles sensations dans mon corps ? quels besoins ? quelles "en-vie(s)" ? Et ce qui vient spontanément,
c’est une envie de pleurer, de verser des larmes. Je ne ressens pas le besoin de le faire dans le train mais je sais que, à un moment ou à un autre lors de ces deux jours, mon
cœur et mon âme s’épancheront. Pourquoi ce
besoin ? Je ne vois aucune raison objective, aucun deuil à vivre, aucune
situation qui puisse me rendre triste actuellement. Mon besoin de comprendre
n’en est que plus fort : j’aimerais y voir plus clair, que cela soit en
moi ou chez les autres, notamment par rapport aux personnes que j’accompagne.
Qui, tôt ou tard, finissent souvent par pleurer lors des entretiens. En effet, je me souviens
d’une phrase d’un ami (qui se reconnaîtra certainement) que le fait
d’accompagner les autres était quelque chose d’ontologique chez moi et que
j’étais né pour faire pleurer mes semblables. Je n’ai pas tout de suite saisi la
profondeur de son affirmation mais force est de constater que la vie lui a
donné raison : je passe mon temps, du moins professionnellement, à
susciter cette réaction chez mes clients (à dire vrai, c’est le cas
principalement pour mes clientes). Si, la plupart du temps, la
personne qui se trouve en face de moi s’excuse pour cette effusion
incontrôlable, je me sens au contraire plein de joie et le partage
parfois avec le/la coaché-e- : nous y sommes, le travail peut
commencer ! Pourquoi cette contradiction, du moins en apparence, entre mon
état émotionnel et celui de l’autre ? « Les larmes sont à l’âme ce que le savon est au corps » (Proverbe juif) Les larmes nous libèrent du
personnage que nous interprétons et du masque que nous portons et dont la fonction est d'entretenir l’illusion de solidité, de force et de performance. Comme si toute cette construction en partie factice se démantelait
et laissait entrevoir notre vulnérabilité, notre fêlure intime. Nous permettant
enfin d’être nous-mêmes : imparfaits, humains, humbles, sans fards et sans
besoin de se blinder vis-à-vis des autres – et envers soi, ce qui a des conséquences
parfois encore plus néfastes. Dans un article précédent,
j’évoquais la fable japonaise du samouraï qui, pour retrouver son âme ainsi que
la clé pour ouvrir le paradis et l’enfer en lui, devait réapprendre à pleurer.
Les larmes sont un signe de guérison : la guerrière et le guerrier que
nous sommes toutes et tous se donne enfin la permission de ne plus devoir combattre,
de ne plus devoir céder aux injonctions de perfection et d’apparence de notre
égo, se donnant à soi-même et aux autres l’accès à son cœur, à ses émotions, et
à son âme.
L’amour des mots m’a fait
réaliser que le mot allemand utilisé pour définir les larmes (die Tränen) se prononce presque de la
même manière que le verbe qui qualifie le fait de séparer (trennen). Paradoxalement, le fait de pleurer ne sépare pas mais
permet une réunification de nos deux dimensions principales, du moins selon
Jung : le Moi et le Soi. L’âme, intermédiaire
privilégiée entre ces deux mondes, peut s’exprimer par les larmes qui sont à la
fois une marque de la tristesse qui nous habite (l’ego n’aime pas du tout être
pris au dépourvu !) mais aussi de joie, d’espoir et de guérison : la
part de nous qui a trop longtemps été ignorée voire bafouée se sent enfin
reconnue et revendique le droit d’exister, de vivre. Qui n’a ainsi jamais vécu
l’extraordinaire sentiment de soulagement et de paix intérieure après une crise
de larmes ? Un monde souterrain, trop ignoré, est remonté à la surface,
permettant de nous unir à nous-mêmes et de nous pacifier.
Dans les accompagnements que
je mène, les larmes versées sont donc une garantie d’un processus de guérison
intérieure qui s’est enclenché. Je me garde cependant de toute jubilation
précoce et de prévisions prophétiques douteuses : chacun reste l’expert de
sa propre situation et le processus ainsi entamé appartient à la personne – et
à la vie. Mon rôle consiste peut-être « simplement » à confronter la
personne en toute bienveillance à ses contradictions et à ses dimensions
cachées – qu’elle se dissimule autant à elle-même qu’aux autres – pour…la
faire pleurer et lui permettre d’avancer sur son chemin intérieur et, par conséquent, extérieur. Deux anecdotes à ce
sujet : Lorsque mon collègue et ami
Patrick et moi-même avons lancé notre projet de coaching interne dans un
établissement scolaire lausannois, nous avions tout prévu…sauf la quantité importante
de mouchoirs que nos client-e-s allaient utiliser dans les premiers mois de
notre aventure : ce qui nous a paru un détail s’est avéré avec le recul la
preuve que notre offre couvrait un réel besoin et que nous avions sans doute
permis à beaucoup de personnes, par notre seule présence dans un premier temps
puis par notre accompagnement certes un peu maladroit au début, à commencer un
processus de reconnaissance de soi essentiel. Après avoir demandé un retour
suite à une intervention autour du burn-out dans un établissement du chablais
vaudois, j’ai reçu un message m’informant que « tout s’était bien passé même si dans mon atelier certaines personnes
avaient pleuré ». Je me suis dit alors que le problème était loin
d’être résolu dans cet établissement, la vulnérabilité et l’humanité n’étant
reconnues qu’à la condition que les acteurs continuent à entretenir le mythe de
la maîtrise et du contrôle : une maladie me semble-t-il encore trop
répandue chez les enseignants – les « maîtres » d’école – qui ont
souvent de très bonnes raisons de pleurer, étant aux avant postes des
dysfonctionnements du système tant social que scolaire. Après avoir écrit ces
quelques lignes, je ne sais pas encore à quel moment mon âme et mon corps
« ouvriront les vannes ». Alors que, avant mon burn-out, je retenais
toute cette « sainte eau », je me réjouis aujourd’hui à la fois de
pouvoir reconnaître sa présence légitime en moi et de la laisser surgir
librement, secouant au passage tout mon corps et me laissant ensuite dans un
profond sentiment de paix et de joie. Je ne peux donc que vous
encourager de pleurer quand le besoin se fait ressentir et sans aucune retenue
ni culpabilité : c’est une preuve de plus que vous êtes vivant-e-s ! |
Sommes-nous tous des requérants d’asile ?
Posted on 30 April, 2016 at 18:57 |
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« Chercher l’amitié, la donner, c’est d’abord crier : “Asile ! Asile !” Le reste de nous est sûrement moins bien que ce cri, il est toujours assez tôt pour le montrer. » (Colette) Depuis
quelques mois, comme certainement beaucoup d’autres personnes, je suis touché
par le sort des réfugiés, qu’ils viennent de Syrie, d’Erythrée, d’Afghanistan
ou d’autres pays comme ceux d’Afrique du Nord. Je
suis impressionné par les ressources, psychiques et physiques, que ces
personnes trouvent autant autour d’elles qu’en elles pour quitter leur terre, souvent
natale, leur patrie, leur maison, leur foyer devenus synonymes d’insécurité, de
survie, de violence et de mort. Je
suis également en admiration devant l’élan de vie, le courage, la
détermination, la persévérance et la confiance qu’il faut à ces adultes, à ces
parents, à ces enfants, à ces familles pour rejoindre une terre d’asile dont
ils ne connaissent souvent rien ou dont ils n’ont qu’une connaissance très
partielle à travers les récits d’autres personnes et ce que les médias décident
d’en dévoiler. Des lieux dans lesquels ils n’ont aucune garantie d’être
accueillis, devant anticiper soit un refoulement soit un hébergement
« durablement provisoire », parfois à la limite de la salubrité et qui
peut prendre la forme de détention – quand elle n’en porte pas carrément le
nom, comme en Grèce et en Turquie actuellement. Je
suis révolté face à la cécité et à l’égoïsme des pays, qu’ils soient européens
ou non, ainsi que face à leur incohérence, qui leur fait jouer tour à tour le
rôle de sauveur puis de bourreau. Je suis saisi par l’incapacité de ces mêmes
pays de trouver des solutions et de prendre des décisions humainement valables
en négociant pour se mettre d’accord sur des objectifs minimaux. Et,
pourtant, une part de moi comprend ces réactions. Pour être très honnête, je
suis moi-même obligé d’admettre que, à la question « Comment réagirais-tu
si on te demandait d’héberger une famille syrienne ou un couple
afghan ? », je me sens terriblement emprunté et partagé. Il y a la
peur de devoir négocier mon territoire, mon chez moi avec des personnes n’ayant
pas forcément les mêmes valeurs, indépendamment de leur lieu d’origine ou de
leur religion et, donc, de perdre certains acquis, certains repères ainsi que
mon confort. D’autre
part, je suis habité par un sentiment de culpabilité et d’impuissance devant
ces destinées qui me renvoient à ma condition humaine, à ma propre
vulnérabilité ainsi qu’à mes errances, symboliques et intérieures. Je
ne peux en effet m’empêcher de penser que nous sommes tous des requérants
d’asile et cela pour au moins deux raisons : Sans
oublier que l’Europe ne serait pas ce magnifique creuset de cultures, de
langues, de mentalités et de valeurs qu’elle représente aujourd’hui sans les
vagues successives de personnes voir de peuples cherchant sur nos terres
nourriture, emploi et sécurité matérielle, psychique et physique. Toute
proportion gardée, nous pourrions même faire un parallèle entre les flux
migratoires actuels et ce que nos manuels scolaires ont appelé ou appellent
toujours de manière abusive les « invasions barbares » qui ont marqué
la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge : il y a certes eu des
violences et des affrontements, mais, dans la réalité, le phénomène, qui s’est
déroulé sur plusieurs centaines d’années, a pris la forme d’une intégration
progressive des nouvelles populations au peuples présents. En raccourci, nous
sommes des descendants des Gallo-Romains, des Burgondes, Alamans ou
Wisigoths : tous des « requérants d’asile » cherchant une terre
d’accueil et des perspectives d’une vie meilleure. Puis,
d'un point de vue non plus historique mais plutôt psychologique voire
spirituel, il me semble que l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés nous fait
également peur car ce phénomène nous renvoie à une réalité que nous avons de la
peine à admettre, quand nous ne la nions pas : chacun d’entre nous est la
recherche, consciemment ou pas, d’une terre d’asile intérieure. Dans
un monde que Christophe André,
psychiatre et thérapeute français, qualifie de « psychotoxique », les
violences ne sont pas absentes de notre quotidien et je ne parle pas
prioritairement des récents attentats de Paris ou de Bruxelles. Même si la
sécurité matérielle de la grande majorité d’entre nous est assurée, nous sommes
tous soumis à des contraintes et à des injonctions dont certaines mettent en
péril notre équilibre personnel et notre sécurité intérieure. Médias,
publicité, politiciens, dirigeants, enseignants et même coachs ou
thérapeutes : chacun de nous est susceptible de véhiculer des messages
porteurs de violences, symboliques certes, mais aux effets bien visibles. Si on en croit Christophe
André, notre estime de nous-mêmes repose sur trois piliers : le premier,
fondamental, est celui de la bienveillance vis-à-vis de soi
qui résulte d’un amour inconditionnel et indépendant des résultats ; la
vision de soi consiste ensuite en la capacité de s’observer de la
manière la plus objective possible, en accueillant ses points forts, ses
limites et ses doutes ; la confiance en soi représente pour
terminer la partie visible du triangle, puisqu’elle repose sur la capacité de
poser des actes, même petits et modestes, et donc de faire un pas après
l’autre. Ces trois piliers étant interdépendants, le fait de travailler sur
l’un d’entre eux permet aux deux autres de s’améliorer. Or,
notre société véhicule un certain nombre de valeurs qui sont tout autant de
freins et d’obstacles à la construction d’une bonne estime de soi : la
performance – qui nous fait dire que nous ne serons jamais assez bons,
assez rapides, assez performants, toujours en décalage, en retard ou en avance,
éternellement insatisfaisants donc insatisfaits – , l’apparence – qui nous
rend esclaves de ce que nous pensons que les autres pensent de nous, de
l’illusion que nous nous faisons de nous-mêmes et de celle que nous donnons à
voir aux autres – et l’abondance – ou la sur-abondance de
biens et d’informations, appelée aussi « infobésité », qui nous fait
croire que nous ne pourrons jamais être heureux si nous ne possédons pas au
moins tel bien ou un autre, si nous n’avions pas étudié ceci ou cela ou si nous
n’avons jamais visité tel endroit ou un autre. Les pressions, contraintes
et autres incitations plus ou moins explicites auraient ainsi un effet
nettement moins impressionnant si nous n’étions pas partie prenante en
intériorisant ces violences et en leur offrant un terrain fertile. Si
je m’appuie sur mon vécu, je dois accepter avec humilité que, si j’ai eu ou si
j’ai encore aujourd’hui l’impression d’être malmené, c’est parce que les
éléments extérieurs ne font souvent que déclencher, mettre en mouvement ou
accélérer des processus bien présents chez et en moi. Ainsi,
je me surprends ces derniers temps à me dire que je n’ai plus beaucoup de temps
pour moi alors que rien ni personne ne m’empêche d’en demander et d’en prendre,
si ce n’est ma propre culpabilité et ma peur d’écorner l’image que je me fais
de moi ou celle que je pense que les autres se font de moi. La gestion du temps
est par conséquent un faux problème : les vraies questions seraient
plutôt « À quoi est-ce que je n’arrive pas à dire « oui » chez
moi ? Quels sont les besoins que je ne veux pas entendre chez moi ?
Qu’est-ce qui fait chez moi que j’ai peur d’affirmer mes besoins et de les couvrir ? ». Nous
avons donc souvent appris à nous conformer aux besoins et aux attentes des
autres plutôt que de, aussi, écouter ce qui est important pour nous et pour
notre équilibre personnel. Mais, direz-vous, comment savoir ce qui est bon pour
nous si nous n’avons jamais appris à l’identifier et, à plus forte raison, à
l’exprimer ni à le faire valoir ? C’est
là que notre « terre d’asile intérieure » joue un rôle
primordial : c’est à mon avis dans notre intériorité, dans notre
« lieu refuge », notre « chez moi » que nous pouvons
trouver les réponses à nos questions et trouver le courage d’exprimer nos
convictions sans que celles-ci soient de pâles copies de principes éducatifs,
de slogans publicitaires, de lieux communs, de stéréotypes, de messages creux
et d’une langue de bois qui ne nous correspondent pas ou plus. Mais
comment trouver ce « chez soi » (ou, si on suit Jung, le « chez
Soi »), cette vie intérieure qui est à la fois ce qui nous caractérise le
plus et la dimension qui nous appartient le moins puisque c’est elle qui nous
relie essentiellement et de manière invisible aux autres, au Réel et à
l’Univers ? Je
n’ai pas la prétention de répondre à cette question de manière définitive ou exhaustive : je me considère comme un pèlerin qui, à travers la contemplation,
la méditation, l’écriture, le contact avec la nature et le compagnonnage le
plus complice possible avec son corps, son souffle et la mort tente de se
donner de la douceur et de rester autant que faire se peut en
lien avec sa terre d’asile intérieure. Un marcheur à qui la vie fait vite comprendre que le chemin emprunté n’est pas le bon s'il s'en éloigne. Accueillir
les personnes qui cherchent refuge et asile chez nous équivaudrait donc, en
plus de réfléchir à la capacité d’intégration de ces nouveaux arrivants dans nos tissus sociaux et
professionnels, de méditer sur la nécessité de nous intégrer nous-mêmes,
d’accepter notre propre condition d’être en recherche de lieux refuge et de
terre d’asile intérieurs en soi : notre société a beaucoup à offrir aux
migrants à condition d’accepter que leur présence nous renvoie à notre
humanité, à nos forces et à nos faiblesses, et, donc, à la nécessité d'accueillir le "requérant d'asile" en nous. Nous
ne sommes pas détenteurs de la vérité et les migrants non plus : seule une
acceptation des convictions et des besoins des uns et des autres permettra, par
un effort de négociation constant, de créer un monde différent. Et le nôtre en
a réellement besoin : n’oublions pas que le mot « crise »,
employé en parlant de la « crise migratoire » est synonyme d’
« opportunité » pour les Chinois et de « décision » pour
les Anciens Grecs – l’arrivée de ces personnes en détresse est donc une chance
pour nous et pour notre civilisation dans une période de transition à tout
point de vue. Références : C.
André, Imparfaits, libres et heureux.
Pratiques de l’estime de soi. Paris : Odile Jacob, 2009. Lire aussi du
même auteur, co-écrit avec François Lelord, L’estime
de soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris : Odile Jacob,
2008.
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