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Être en larmes
Posted on 4 June, 2016 at 13:22 |
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« Pleure : les larmes sont les pétales du cœur » (Paul Éluard) Une fois seul dans le train,
je me sonde et tourne mes oreilles en direction de mon cœur et de mon
âme : que se passe-t-il en moi ? quelles sont les émotions qui se font
vives ? quelles sensations dans mon corps ? quels besoins ? quelles "en-vie(s)" ? Et ce qui vient spontanément,
c’est une envie de pleurer, de verser des larmes. Je ne ressens pas le besoin de le faire dans le train mais je sais que, à un moment ou à un autre lors de ces deux jours, mon
cœur et mon âme s’épancheront. Pourquoi ce
besoin ? Je ne vois aucune raison objective, aucun deuil à vivre, aucune
situation qui puisse me rendre triste actuellement. Mon besoin de comprendre
n’en est que plus fort : j’aimerais y voir plus clair, que cela soit en
moi ou chez les autres, notamment par rapport aux personnes que j’accompagne.
Qui, tôt ou tard, finissent souvent par pleurer lors des entretiens. En effet, je me souviens
d’une phrase d’un ami (qui se reconnaîtra certainement) que le fait
d’accompagner les autres était quelque chose d’ontologique chez moi et que
j’étais né pour faire pleurer mes semblables. Je n’ai pas tout de suite saisi la
profondeur de son affirmation mais force est de constater que la vie lui a
donné raison : je passe mon temps, du moins professionnellement, à
susciter cette réaction chez mes clients (à dire vrai, c’est le cas
principalement pour mes clientes). Si, la plupart du temps, la
personne qui se trouve en face de moi s’excuse pour cette effusion
incontrôlable, je me sens au contraire plein de joie et le partage
parfois avec le/la coaché-e- : nous y sommes, le travail peut
commencer ! Pourquoi cette contradiction, du moins en apparence, entre mon
état émotionnel et celui de l’autre ? « Les larmes sont à l’âme ce que le savon est au corps » (Proverbe juif) Les larmes nous libèrent du
personnage que nous interprétons et du masque que nous portons et dont la fonction est d'entretenir l’illusion de solidité, de force et de performance. Comme si toute cette construction en partie factice se démantelait
et laissait entrevoir notre vulnérabilité, notre fêlure intime. Nous permettant
enfin d’être nous-mêmes : imparfaits, humains, humbles, sans fards et sans
besoin de se blinder vis-à-vis des autres – et envers soi, ce qui a des conséquences
parfois encore plus néfastes. Dans un article précédent,
j’évoquais la fable japonaise du samouraï qui, pour retrouver son âme ainsi que
la clé pour ouvrir le paradis et l’enfer en lui, devait réapprendre à pleurer.
Les larmes sont un signe de guérison : la guerrière et le guerrier que
nous sommes toutes et tous se donne enfin la permission de ne plus devoir combattre,
de ne plus devoir céder aux injonctions de perfection et d’apparence de notre
égo, se donnant à soi-même et aux autres l’accès à son cœur, à ses émotions, et
à son âme.
L’amour des mots m’a fait
réaliser que le mot allemand utilisé pour définir les larmes (die Tränen) se prononce presque de la
même manière que le verbe qui qualifie le fait de séparer (trennen). Paradoxalement, le fait de pleurer ne sépare pas mais
permet une réunification de nos deux dimensions principales, du moins selon
Jung : le Moi et le Soi. L’âme, intermédiaire
privilégiée entre ces deux mondes, peut s’exprimer par les larmes qui sont à la
fois une marque de la tristesse qui nous habite (l’ego n’aime pas du tout être
pris au dépourvu !) mais aussi de joie, d’espoir et de guérison : la
part de nous qui a trop longtemps été ignorée voire bafouée se sent enfin
reconnue et revendique le droit d’exister, de vivre. Qui n’a ainsi jamais vécu
l’extraordinaire sentiment de soulagement et de paix intérieure après une crise
de larmes ? Un monde souterrain, trop ignoré, est remonté à la surface,
permettant de nous unir à nous-mêmes et de nous pacifier.
Dans les accompagnements que
je mène, les larmes versées sont donc une garantie d’un processus de guérison
intérieure qui s’est enclenché. Je me garde cependant de toute jubilation
précoce et de prévisions prophétiques douteuses : chacun reste l’expert de
sa propre situation et le processus ainsi entamé appartient à la personne – et
à la vie. Mon rôle consiste peut-être « simplement » à confronter la
personne en toute bienveillance à ses contradictions et à ses dimensions
cachées – qu’elle se dissimule autant à elle-même qu’aux autres – pour…la
faire pleurer et lui permettre d’avancer sur son chemin intérieur et, par conséquent, extérieur. Deux anecdotes à ce
sujet : Lorsque mon collègue et ami
Patrick et moi-même avons lancé notre projet de coaching interne dans un
établissement scolaire lausannois, nous avions tout prévu…sauf la quantité importante
de mouchoirs que nos client-e-s allaient utiliser dans les premiers mois de
notre aventure : ce qui nous a paru un détail s’est avéré avec le recul la
preuve que notre offre couvrait un réel besoin et que nous avions sans doute
permis à beaucoup de personnes, par notre seule présence dans un premier temps
puis par notre accompagnement certes un peu maladroit au début, à commencer un
processus de reconnaissance de soi essentiel. Après avoir demandé un retour
suite à une intervention autour du burn-out dans un établissement du chablais
vaudois, j’ai reçu un message m’informant que « tout s’était bien passé même si dans mon atelier certaines personnes
avaient pleuré ». Je me suis dit alors que le problème était loin
d’être résolu dans cet établissement, la vulnérabilité et l’humanité n’étant
reconnues qu’à la condition que les acteurs continuent à entretenir le mythe de
la maîtrise et du contrôle : une maladie me semble-t-il encore trop
répandue chez les enseignants – les « maîtres » d’école – qui ont
souvent de très bonnes raisons de pleurer, étant aux avant postes des
dysfonctionnements du système tant social que scolaire. Après avoir écrit ces
quelques lignes, je ne sais pas encore à quel moment mon âme et mon corps
« ouvriront les vannes ». Alors que, avant mon burn-out, je retenais
toute cette « sainte eau », je me réjouis aujourd’hui à la fois de
pouvoir reconnaître sa présence légitime en moi et de la laisser surgir
librement, secouant au passage tout mon corps et me laissant ensuite dans un
profond sentiment de paix et de joie. Je ne peux donc que vous
encourager de pleurer quand le besoin se fait ressentir et sans aucune retenue
ni culpabilité : c’est une preuve de plus que vous êtes vivant-e-s ! |
Sommes-nous tous des requérants d’asile ?
Posted on 30 April, 2016 at 18:57 |
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« Chercher l’amitié, la donner, c’est d’abord crier : “Asile ! Asile !” Le reste de nous est sûrement moins bien que ce cri, il est toujours assez tôt pour le montrer. » (Colette) Depuis
quelques mois, comme certainement beaucoup d’autres personnes, je suis touché
par le sort des réfugiés, qu’ils viennent de Syrie, d’Erythrée, d’Afghanistan
ou d’autres pays comme ceux d’Afrique du Nord. Je
suis impressionné par les ressources, psychiques et physiques, que ces
personnes trouvent autant autour d’elles qu’en elles pour quitter leur terre, souvent
natale, leur patrie, leur maison, leur foyer devenus synonymes d’insécurité, de
survie, de violence et de mort. Je
suis également en admiration devant l’élan de vie, le courage, la
détermination, la persévérance et la confiance qu’il faut à ces adultes, à ces
parents, à ces enfants, à ces familles pour rejoindre une terre d’asile dont
ils ne connaissent souvent rien ou dont ils n’ont qu’une connaissance très
partielle à travers les récits d’autres personnes et ce que les médias décident
d’en dévoiler. Des lieux dans lesquels ils n’ont aucune garantie d’être
accueillis, devant anticiper soit un refoulement soit un hébergement
« durablement provisoire », parfois à la limite de la salubrité et qui
peut prendre la forme de détention – quand elle n’en porte pas carrément le
nom, comme en Grèce et en Turquie actuellement. Je
suis révolté face à la cécité et à l’égoïsme des pays, qu’ils soient européens
ou non, ainsi que face à leur incohérence, qui leur fait jouer tour à tour le
rôle de sauveur puis de bourreau. Je suis saisi par l’incapacité de ces mêmes
pays de trouver des solutions et de prendre des décisions humainement valables
en négociant pour se mettre d’accord sur des objectifs minimaux. Et,
pourtant, une part de moi comprend ces réactions. Pour être très honnête, je
suis moi-même obligé d’admettre que, à la question « Comment réagirais-tu
si on te demandait d’héberger une famille syrienne ou un couple
afghan ? », je me sens terriblement emprunté et partagé. Il y a la
peur de devoir négocier mon territoire, mon chez moi avec des personnes n’ayant
pas forcément les mêmes valeurs, indépendamment de leur lieu d’origine ou de
leur religion et, donc, de perdre certains acquis, certains repères ainsi que
mon confort. D’autre
part, je suis habité par un sentiment de culpabilité et d’impuissance devant
ces destinées qui me renvoient à ma condition humaine, à ma propre
vulnérabilité ainsi qu’à mes errances, symboliques et intérieures. Je
ne peux en effet m’empêcher de penser que nous sommes tous des requérants
d’asile et cela pour au moins deux raisons : Sans
oublier que l’Europe ne serait pas ce magnifique creuset de cultures, de
langues, de mentalités et de valeurs qu’elle représente aujourd’hui sans les
vagues successives de personnes voir de peuples cherchant sur nos terres
nourriture, emploi et sécurité matérielle, psychique et physique. Toute
proportion gardée, nous pourrions même faire un parallèle entre les flux
migratoires actuels et ce que nos manuels scolaires ont appelé ou appellent
toujours de manière abusive les « invasions barbares » qui ont marqué
la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge : il y a certes eu des
violences et des affrontements, mais, dans la réalité, le phénomène, qui s’est
déroulé sur plusieurs centaines d’années, a pris la forme d’une intégration
progressive des nouvelles populations au peuples présents. En raccourci, nous
sommes des descendants des Gallo-Romains, des Burgondes, Alamans ou
Wisigoths : tous des « requérants d’asile » cherchant une terre
d’accueil et des perspectives d’une vie meilleure. Puis,
d'un point de vue non plus historique mais plutôt psychologique voire
spirituel, il me semble que l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés nous fait
également peur car ce phénomène nous renvoie à une réalité que nous avons de la
peine à admettre, quand nous ne la nions pas : chacun d’entre nous est la
recherche, consciemment ou pas, d’une terre d’asile intérieure. Dans
un monde que Christophe André,
psychiatre et thérapeute français, qualifie de « psychotoxique », les
violences ne sont pas absentes de notre quotidien et je ne parle pas
prioritairement des récents attentats de Paris ou de Bruxelles. Même si la
sécurité matérielle de la grande majorité d’entre nous est assurée, nous sommes
tous soumis à des contraintes et à des injonctions dont certaines mettent en
péril notre équilibre personnel et notre sécurité intérieure. Médias,
publicité, politiciens, dirigeants, enseignants et même coachs ou
thérapeutes : chacun de nous est susceptible de véhiculer des messages
porteurs de violences, symboliques certes, mais aux effets bien visibles. Si on en croit Christophe
André, notre estime de nous-mêmes repose sur trois piliers : le premier,
fondamental, est celui de la bienveillance vis-à-vis de soi
qui résulte d’un amour inconditionnel et indépendant des résultats ; la
vision de soi consiste ensuite en la capacité de s’observer de la
manière la plus objective possible, en accueillant ses points forts, ses
limites et ses doutes ; la confiance en soi représente pour
terminer la partie visible du triangle, puisqu’elle repose sur la capacité de
poser des actes, même petits et modestes, et donc de faire un pas après
l’autre. Ces trois piliers étant interdépendants, le fait de travailler sur
l’un d’entre eux permet aux deux autres de s’améliorer. Or,
notre société véhicule un certain nombre de valeurs qui sont tout autant de
freins et d’obstacles à la construction d’une bonne estime de soi : la
performance – qui nous fait dire que nous ne serons jamais assez bons,
assez rapides, assez performants, toujours en décalage, en retard ou en avance,
éternellement insatisfaisants donc insatisfaits – , l’apparence – qui nous
rend esclaves de ce que nous pensons que les autres pensent de nous, de
l’illusion que nous nous faisons de nous-mêmes et de celle que nous donnons à
voir aux autres – et l’abondance – ou la sur-abondance de
biens et d’informations, appelée aussi « infobésité », qui nous fait
croire que nous ne pourrons jamais être heureux si nous ne possédons pas au
moins tel bien ou un autre, si nous n’avions pas étudié ceci ou cela ou si nous
n’avons jamais visité tel endroit ou un autre. Les pressions, contraintes
et autres incitations plus ou moins explicites auraient ainsi un effet
nettement moins impressionnant si nous n’étions pas partie prenante en
intériorisant ces violences et en leur offrant un terrain fertile. Si
je m’appuie sur mon vécu, je dois accepter avec humilité que, si j’ai eu ou si
j’ai encore aujourd’hui l’impression d’être malmené, c’est parce que les
éléments extérieurs ne font souvent que déclencher, mettre en mouvement ou
accélérer des processus bien présents chez et en moi. Ainsi,
je me surprends ces derniers temps à me dire que je n’ai plus beaucoup de temps
pour moi alors que rien ni personne ne m’empêche d’en demander et d’en prendre,
si ce n’est ma propre culpabilité et ma peur d’écorner l’image que je me fais
de moi ou celle que je pense que les autres se font de moi. La gestion du temps
est par conséquent un faux problème : les vraies questions seraient
plutôt « À quoi est-ce que je n’arrive pas à dire « oui » chez
moi ? Quels sont les besoins que je ne veux pas entendre chez moi ?
Qu’est-ce qui fait chez moi que j’ai peur d’affirmer mes besoins et de les couvrir ? ». Nous
avons donc souvent appris à nous conformer aux besoins et aux attentes des
autres plutôt que de, aussi, écouter ce qui est important pour nous et pour
notre équilibre personnel. Mais, direz-vous, comment savoir ce qui est bon pour
nous si nous n’avons jamais appris à l’identifier et, à plus forte raison, à
l’exprimer ni à le faire valoir ? C’est
là que notre « terre d’asile intérieure » joue un rôle
primordial : c’est à mon avis dans notre intériorité, dans notre
« lieu refuge », notre « chez moi » que nous pouvons
trouver les réponses à nos questions et trouver le courage d’exprimer nos
convictions sans que celles-ci soient de pâles copies de principes éducatifs,
de slogans publicitaires, de lieux communs, de stéréotypes, de messages creux
et d’une langue de bois qui ne nous correspondent pas ou plus. Mais
comment trouver ce « chez soi » (ou, si on suit Jung, le « chez
Soi »), cette vie intérieure qui est à la fois ce qui nous caractérise le
plus et la dimension qui nous appartient le moins puisque c’est elle qui nous
relie essentiellement et de manière invisible aux autres, au Réel et à
l’Univers ? Je
n’ai pas la prétention de répondre à cette question de manière définitive ou exhaustive : je me considère comme un pèlerin qui, à travers la contemplation,
la méditation, l’écriture, le contact avec la nature et le compagnonnage le
plus complice possible avec son corps, son souffle et la mort tente de se
donner de la douceur et de rester autant que faire se peut en
lien avec sa terre d’asile intérieure. Un marcheur à qui la vie fait vite comprendre que le chemin emprunté n’est pas le bon s'il s'en éloigne. Accueillir
les personnes qui cherchent refuge et asile chez nous équivaudrait donc, en
plus de réfléchir à la capacité d’intégration de ces nouveaux arrivants dans nos tissus sociaux et
professionnels, de méditer sur la nécessité de nous intégrer nous-mêmes,
d’accepter notre propre condition d’être en recherche de lieux refuge et de
terre d’asile intérieurs en soi : notre société a beaucoup à offrir aux
migrants à condition d’accepter que leur présence nous renvoie à notre
humanité, à nos forces et à nos faiblesses, et, donc, à la nécessité d'accueillir le "requérant d'asile" en nous. Nous
ne sommes pas détenteurs de la vérité et les migrants non plus : seule une
acceptation des convictions et des besoins des uns et des autres permettra, par
un effort de négociation constant, de créer un monde différent. Et le nôtre en
a réellement besoin : n’oublions pas que le mot « crise »,
employé en parlant de la « crise migratoire » est synonyme d’
« opportunité » pour les Chinois et de « décision » pour
les Anciens Grecs – l’arrivée de ces personnes en détresse est donc une chance
pour nous et pour notre civilisation dans une période de transition à tout
point de vue. Références : C.
André, Imparfaits, libres et heureux.
Pratiques de l’estime de soi. Paris : Odile Jacob, 2009. Lire aussi du
même auteur, co-écrit avec François Lelord, L’estime
de soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris : Odile Jacob,
2008.
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Oser l’ennui, le vide et se sentir en vacance(s) toute l’année.
Posted on 6 March, 2016 at 5:03 |
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Lors
d’un récent entretien avec une étudiante en formation, mon interlocutrice a
évoqué le plaisir qu’elle a ressenti, lors d’un séjour organisé par la HEP dans
un pays partenaire en Afrique, d’avoir des moments pendant lesquels elle
pouvait enfin s’ennuyer et arrêter de penser à tout ce qu’elle devait, voulait
ou pouvait faire. Sa
remarque a bien sûr fait écho en moi. L’ennui est en effet une de mes
principales contre-valeurs et je n’en ai pris conscience que bien après mon
burn-out. Lors du travail entrepris pour me permettre de me reconstruire et de
préparer un nouveau départ, j’ai principalement identifié les valeurs que
j’avais oubliées et probablement bafouées, telles que le besoin de liberté et
d’indépendance ou encore le plaisir, le bonheur et la spiritualité. Par
contre, ce n’est que tout récemment, dans le cadre d’un atelier organisé par
mes collègues et amis Natacha Andenmatten et Eric Gubelmann (que je salue et
remercie au passage), que j’ai pris conscience de l’importance des
contre-valeurs. L’effet pervers des contre-valeurs est donc de créer,
à terme, « des attentes, des peurs et donc de potentielles usures »
car, plutôt que de faire des choix en fonction de ce qui est important pour
nous, nous sommes amenés à prendre des options pour fuir ce que nous craignons
le plus. Ce qui, fatalement, nous amène à vivre une vie « par
défaut », en creux et faite de fuites successives. En ce qui me concerne, j’ai toujours fuit
l’ennui : dès qu’il se présentait, je me trouvais une activité physique,
intellectuelle ou, plus rarement, manuelle (je pense, en ce qui me concerne, à
la cuisine). Le fait de ne pas avoir pris conscience que, souvent, mon choix
était motivé par la fuite de l’ennui a contribué en bonne partie à ma suractivité
et, par la suite, à mon épuisement. Cela d’autant plus que l’activisme est
largement encouragé par la société et par le monde du travail : des
sirènes au chant desquelles je n’ai que trop succombé. La recherche du
« pourquoi » n’est cependant pas forcément aidante pour arriver à
vivre avec nos contre-valeurs, du moins de mon expérience. J’ai donc dû
développer des stratégies pour me permettre de vivre au mieux avec ma peur de
l’ennui. En commençant par l’accepter et l’accueillir, même si, pendant
plusieurs années, cette étape a parfois été douloureuse. En effet, le fait
d’accueillir la peur de l’ennui passe par l’acceptation du vide. Alors qu’un
très grand sentiment de vacuité m’habitait dans les mois qui ont précédé la
rupture, le vide s’est imposé à moi presque du jour au lendemain : mon
corps et mon cerveau refusant de coopérer, j’ai été contraint d’observer de
très longues pauses pendant lesquelles je ne pouvais plus fuir l’ennui,
m’obligeant à le regarder dans les yeux. Dans un premier temps, ce fut
l’affrontement, le duel qui n’a fait que renforcer l’anxiété. Puis, progressivement,
le combat a laissé la place à une cohabitation, à une réconciliation permettant
à la peur de l’ennui de prendre sa juste place sans pour autant continuer à
diriger ma vie. J’ai ensuite inverser
le paradigme : plutôt que de remplir ma vie jusqu’au point de débordement,
j’ai décidé d’y introduire du vide. D’une part, en tentant de délester mon
quotidien de tout ce qui ne me faisait pas du bien car ne correspondant ni à
mes valeurs ni à mes besoins, et, d’autre part, d’organiser mon temps en
partant des espaces vides. C’est cette dernière
stratégie qui m’a conduit à aménager des pauses sur le modèle du « un
partout » (une heure par jour, un jour par semaine, une semaine et un
week-end par mois) au sujet duquel j’ai rédigé un précédent billet. Au quotidien,
ce choix m’amène à profiter de chaque possibilité pour ne rien faire et pour
m’ennuyer. Un ennui choisi, conscient, consenti et, par conséquent, fertile.
Aux antipodes de l’ennui que je peux ressentir lorsque je subis la situation –
cela m’arrive encore parfois, mais heureusement de moins en moins – en me
retrouvant « coincé » parmi mes semblables à devoir écouter – et
parfois prononcer – des propos qui ne me nourrissent pas et me laissent avec un profond sentiment de vide, une vacuité de sens cette fois-ci. Alors qu’avant mon
burn-out, je profitais de chaque minute pour la remplir par une activité
quelconque afin de surtout ne pas m’ennuyer, je savoure aujourd’hui ces moments
pour ce qu’ils sont : du temps pur ; du temps pour écouter la vie
couler dans mes veines, pour écouter mon battement de cœur, pour être attentif
à mon corps, à mes sensations, à mon souffle comme me l’a enseigné la
méditation ; pour écouter la vie qui vibre tout autour de moi ; pour
écouter le silence qui habite chaque intervalle de bruit, qu’il soit intérieur
ou extérieur. Car, comme le dit
très bien Charles Pépin dans sa « carte blanche » du Psychologie
Magazine de février dernier, « s’ennuyer c’est vivre », s’ennuyer
c’est permettre « à des idées de cheminer, à des décisions de mûrir, à la
vie de prendre son temps. Car, « il n’y a pas de plénitude sans moments de
battements : s’il n’y avait pas de moments « vides », nous
n’aurions jamais de sentiment de plénitude ». Avoir une vie bien
remplie, c’est donc aussi accepter voir introduire le vide dans le plein. Pour
éviter le « trop-plein », grand ennemi de la plénitude. Et pour se
rendre disponible à la vie ; pour se laisser émerveiller par les détails
du quotidien ; pour voir la beauté qui, comme le dit Oscar Wilde,
« se trouve dans les yeux de celui qui regarde » ; pour dire
merci à cette vie qui nous permet, jour après jour, de la savourer ; pour « être »,
tout simplement, au lieu de « faire ». Et, après une période bien chargée, nous nous réjouissons des prochaines vacances pour pouvoir récupérer….et se
préparer à la prochaine « apnée (sur)activiste ». Quand ce n’est pas
pour reproduire, pendant cette pause réparatrice, les schémas habituels en
remplissant les journées d’activités qui nous laissent parfois plus vidés que
pleins. Et le vide ne fait
pas uniquement peur à la société, il peut également être source d’angoisse pour
l’individu qui l’accepte voir le cultive. Nous n’avons en effet pas peur de
l’ennui et du vide pour rien : il nous oblige parfois à accueillir ce que Rilke
appelle nos « lions intérieurs » : stress, angoisse, tristesse,
colère et, par dessus tout, la solitude. Comme l’avance Fabrice Midal dans sa
lettre de février 2016, fuir l’ennui et le vide reviendrait soit à vouloir ignorer
soit à vouloir vaincre ces « lions », au lieu de choisir la voie de
la réconciliation avec cette vulnérabilité qui nous fait peur et que nous
tentons d’anesthésier en remplissant nos journées d’occupation et de
préoccupations diverses, même parfois pendant les vacances. Or, le mot
« vacance » vient du latin « vacuum » qui veut dire
« vide » (Merci à Laurent d’avoir attiré mon attention sur
l’étymologie souvent inconnue du mot). Une manière d’être « en
vacances » tous les jours serait donc d’accueillir voire de créer et
d’aménager consciemment des moments de vide et de les utiliser pour s’ennuyer.
Avec joie et délectation, sans nous laisser abrutir par la télévision ou se
jeter soit sur son Smart- ou I-Phone ou sur le premier journal de boulevard
venu. Pour se sentir vivre et vivant. Je ne peux donc que
vous encourager à faire une pause, une vraie « vacance » le plus
rapidement et le plus longtemps possible, après avoir lu ce texte par exemple.
Et de laisser venir l’ennui. Pour y prendre du plaisir et pour goûter la vie. Et
peut-être aussi pour observer vos « lions intérieurs » et les
accueillir avec bienveillance, car ils sont la preuve que vous êtes vivants. Bonne suite de
chemin, bon ennui et une vie bien remplie….de vides ! |
Être excellent : quelle défintion pour quelle philosophie de vie ?
Posted on 14 February, 2016 at 5:42 |
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Être dans la joie de vie.
Posted on 22 January, 2016 at 10:54 |
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« Partout où il y a de la joie, il y a création. » (Henri Bergson) 22
janvier 2013 – 22 janvier 2016 : Mackoaching et le site www.mackoaching.net fêtent leur troisième
anniversaire. Confortablement
assis à mon bureau dans ma chambre de l’Hôtel de Ville de Rossinière, je
ressens le besoin de me prêter au jeu du bilan, certes intermédiaire – j’espère
du fond du cœur que l’aventure va continuer – mais nécessaire : ma
pratique me montre presque tous les jours que, pour définir la direction dans
laquelle chacun aimerait inscrire la suite de son itinéraire, un retour sur le
chemin parcouru s’avère pertinent et porteur de sens. Mais cela serait
oublier quels sont les réels besoins que mon activité d’accompagnement (qui
englobe la gestion du site ainsi que l’administration de l’entreprise) est
censée couvrir. Il me paraît en effet bon de
revenir à la « carte des phases du projet » (inspirée de
l’ouvrage de Thierry Des Lauriers, Manager un projet) que j’avais
réalisée avant même de me lancer. Voici ce que j’avais noté en octobre 2012
déjà : "Mes besoins
sont plus d’ordre personnel, philosophique et identitaire que matériel :
je n’ai pas besoin de ce projet pour « tourner » financièrement, mais
essentiellement pour VIVRE, pour me sentir exister, pour nourrir mon âme. Je ne
me vois en effet pas finir ma vie professionnelle uniquement dans le cadre
actuel (HEP, école vaudoise) et aimerais tenter ma chance ailleurs et
autrement. Je ressens également le besoin de rester un « solitaire
solidaire » et de garder une marge de manœuvre importante vis-à-vis de
celui/ceux qui me payent." Il n’est en
effet pas usurpé de dire que, si j’ai créé Mackoaching, c’est principalement
pour me ressourcer, autrement dit pour me permettre de nourrir et de rester en
lien avec ce qui de plus profond en moi, ma Source. Autrement dit, de me
relier. Un lien essentiel à qui je suis, certes, mais pas seulement :
cette « relation » ne se fait pas sans « reliance », sans l’indispensable
et essentielle relation aux autres et au monde. Et, après trois années de co-pèlerinages,
d’odyssées humaines accompagnées et d’aventures essentielles suivies de plus ou
moins près, je peux dire aujourd’hui que je suis resté en lien à ces premiers
besoins…et que je compte bien le rester pour la suite du chemin. Car, en plus
de la satisfaction et de la fierté, ce que je ressens aujourd’hui est bien plus
profond : j’éprouve de la joie. Ce n’est certainement pas un hasard que, en
cette période de bilan, j’ai fait la « rencontre » d’un livre sur
lequel je suis « tombé » nez-à-nez, en passant pour la millième fois devant
la vitrine du kiosque sous-gare à Lausanne : La puissance de la joie de Frédéric Lenoir. Sa lecture m’a en effet
éclairé sur les multiples raisons qui font que je ressens cette émotion
aujourd’hui et, comme le besoin qui se cache derrière la joie relève du
partage, je ne peux m’empêcher de livrer quelques conclusions au lecteur. Il y a d’abord la joie d’avoir le privilège,
lors des accompagnements, d’être tout entier présent et attentif à l’autre et à
moi-même, aux esprits et à leurs réflexions, aux cœurs et à leurs émotions
ainsi qu’aux corps et à leurs sensations.
Quand j’accompagne, je raisonne et je résonne, je pense, je panse, je vibre…et
je me tais, respectant le silence tant extérieur qu’intérieur, le mien et celui
de l’autre. Bref : je suis et je vis qui je suis, à la fois dans l’ici et
le maintenant et hors du temps, dans une bulle de permissions, un espace de
subversion, une dimension « extra-ordinaire ». Une sorte de
méditation à deux. La joie vient également des valeurs qui
sous-tendent les séances de coaching : la bienveillance, le non-jugement,
la confiance – des attitudes qui sont à la base de l’alliance nécessaire entre
l’accompagné et l’accompagnant et qui représentent également les fondements de
la finalité de tout accompagnement : permettre à l’autre de grandir, de
s’élever, de se déployer, de se réaliser. Et quelle joie de voir la même personne qui
était venue insatisfaite, voire prostrée, éteinte, parfois en larmes lors de la
première séance, repartir, après x séances, rayonnante, confiante, avec une
vision beaucoup plus claire du sens qu’elle veut donner à sa vie et, surtout, de
qui elle est, profondément, et de ce qu’elle a à offrir à soi et aux autres. La joie émane donc aussi –
et surtout ! – du processus, de la persévérance et de l’effort soutenu et
permanent de l’accompagné qui, pour le dire avec les mots de Henri Bergson,
« a tiré de soi plus qu’il n’y avait, (…) s’est haussé au-dessus de
soi-même » (cité par F. Lenoir, p. 80). Une joie partagée que le
« couple » coaché-coach vit d’âme à âme, de cœur à cœur et, parfois,
de corps à corps : je ne compte plus le nombre de fois que, avec l’accord
de ma/mon client-e-, nous nous sommes mutuellement pris dans les bras à
l’occasion d’un cap passé ou d’un obstacle surmonté. Et il n’est pas rare que les larmes montent
dans ces moments-là. À ce sujet, Frédéric Lenoir se demande pourquoi il nous arrive de pleurer lorsque
nous sommes dans la joie et arrive à la conclusion que, dans certaines
situations, « la joie vient d’une épreuve surmontée » et, donc,
« au milieu même de notre joie, nos larmes expriment la douleur qu’il a
fallu traverser pour remporter cette victoire (…) Elles constituent l’ultime
trace d’une tristesse surmontée » (p. 185). En faisant référence aux
parcours de vie des personnes accompagnées ainsi que de mon propre chemin de
vie, notamment de ces huit dernières années, je ne peux que partager l’analyse
du philosophe français. Une autre source de joie, forte et profonde,
est liée au fait que, en tant que coach, je ne m’autorise pas à avoir d’attentes
envers la personne accompagnée : mon rôle consiste à l’aider à
s’aider elle-même, à lui permettre d’atteindre les objectifs qu’elle s’est
fixée. Il ne s’agit donc en aucun cas d’imposer des choix personnels qui sont
certes pertinents pour moi mais pas forcément pour l’autre. Ou, pire encore, d’utiliser
ma cliente ou mon client pour couvrir les besoins de reconnaissance, de
contrôle et de résultats si chers à mon ego. Au-delà du salaire que je touche à
la fin de chaque séance (et vis-à-vis duquel je ressens à chaque fois un
mélange de satisfaction et de gêne), c’est cette gratuité – aux antipodes d’une
recherche de bénéfice utilitariste et matérialiste – qui me réjouit. mes proches, tout
particulièrement Christine, ma femme, ainsi que Félix et Audrey, mes enfants, pour
leur soutien inconditionnel ; mes ami-e-s (dont certain-e-s portent parfois
la casquette de « collègues ») qui se reconnaîtront et qui représentent
autant de coachs, d’ « amis critiques » qui m’accompagnent tant du
point de vue personnel que professionnel sur mon chemin de vie. En guise de conclusion, j’ai envie de dire
que ce qui me rend fondamentalement joyeux, que cela soit par rapport au projet
lié à mon entreprise ou aux accompagnements individuels, c’est d’avoir le
sentiment profond de servir la vie et d’être là où la vie veut que je sois aujourd'hui pour
qu’elle puisse, à travers ma présence et mon être, souffler la joie et la force
de création dans la vie des autres. Un coach n’est finalement « que »
un humble passeur qui permet aux personnes qu’il accompagne de se relier à
elles-mêmes, aux autres et à la vie dans un travail de création permanent. Tout
simplement. À ceux qui lisent ce billet, un merci du fond
du cœur pour votre intérêt : j’espère que mes propos participent à votre
joie créatrice de vivre et je vous souhaite, si ce n’est pas déjà le cas, de
trouver la place que la vie vous destine pour la servir au mieux et au plus
près de vos valeurs, de vos aspirations et de vos compétences. |
S'étoiler : être auteur ou acteur de sa vie ?
Posted on 24 December, 2015 at 9:36 |
![]() |
Après avoir goûté aux joies de l’art choral
pendant près de 6 ans, je me suis décidé, depuis le mois de septembre 2015, de
m’initier au dessin et à la peinture dans le cadre des activités d’Aubonn’Art
(plus sur http://aubonn-art.ch/). Accompagné par des enseignantes à la fois expérimentées et faisant
preuve d’un grand sens pédagogique, j’ai progressivement pris confiance en mes
capacités d’artiste en herbe. Lorsqu’en octobre, Sophie Costantini,
responsable des cours, a proposé aux participant-e-s de peindre une toile pour
l’exposer dans le cadre d’une exposition prévue pour le mois de décembre, j’ai
d’abord ressenti de la peur et de la résistance en moi : parmi mes démons,
certes conscientisés mais toujours bien présents, celui du « fais le
maximum pour briller » m’a tout de suite mis la pression. Rassuré par l’idée que je pouvais très bien ne
pas exposer mon œuvre si je ne « me la sentais pas », je me suis
retrouvé devant mon cadre, blanc et immaculé, sans aucune idée ni de ce à quoi
le produit fini pourrait bien ressembler et encore moins du comment j’allais
m’y prendre. J’ai alors procédé comme je le fais souvent
lorsque « rien ne vient » ou en cas de doute : j’ai fermé
les yeux, me suis installé quelques minutes dans une posture méditative et,
sondant mon intériorité, me suis rendu disponible à ce qui allait émerger.
Après quelques « flashs » peu concluants, une image m’est apparue, très nette : une ronde d’étoiles surgissant du fond de
la nuit en suivant une trajectoire en spirale, le tout allant du plus petit et
sombre au plus grand et lumineux. Après quelques séances où j’ai été initié à
l’utilisation de l’acrylique et de la craie sèche, ce qui s’offrait à mes yeux
était assez proche de ma vision initiale : Même si je n’adhère
par entièrement à la proposition du « Surhomme » du philosophe
allemand, notamment dans l’affirmation de la « Volonté de puissance »
dont l’Histoire a pu constater les dérives totalitaristes dans le pays d’origine
de l’auteur, je ne peux que souscrire à la question que pose ce paradigme :
celle de la finalité de l’homme et de sa capacité de se créer un avenir. Cette interrogation
représente en effet le fil rouge non seulement de mon parcours de vie mais
également de celui des personnes que j’accompagne : quel sens est-ce je
veux donner à ma vie ? qu’est-ce qui m’aide à définir à la fois la
direction et la signification du chemin sur lequel je me trouve et qui me reste
à parcourir ? quelle est ma marge de manœuvre et de créativité dans
l’élaboration de ce tracé ? Sur quoi ai-je un pouvoir d’action et
qu’est-ce qui m’échappe ? L’image de
l’« étoile » qu’utilise Nietzsche est un classique de la littérature
dans le vaste champ du développement personnel. Je me limiterais ici à deux
références qui me paraissent utiles, à la fois en tant que personne et comme
accompagnant. La premier point de
repère est en lien à un titre de paragraphe du livre de Thomas D’Ansembourg, Cessez d’être gentils, soyez vrais !
(Montréal, les Editions de l’Homme, 2001) : « Mieux vaut s’étoiler
que s’étioler ». L’auteur français, chantre de la communication non violente,
se base sur le constat que « nous n'avons pas appris à être aimés comme nous sommes
mais à être aimés comme les autres voudraient que nous soyons » (p. 172)
pour souligner l’importance de reconnaître et de faire reconnaître ce qui
permet de nous « étoiler », c’est-à-dire nos émotions et les besoins qui y
sont liés. La deuxième référence s’appuie sur le livre de François Delivré, Questions de temps (Paris :
InterÉditions, 2013) dans lequel le coach français souligne l’importance, dans
la mise en œuvre de nos projets personnels, de définir nos finalités profondes,
nos « étoiles », afin de garder le cap en toute cohérence sur notre
route. Ces « étoiles » se situent pour l’auteur à quatre niveaux :
celui de la survie, de la vie agréable, de l’accomplissement de soi et du
dépassement de soi. Pour ces deux derniers points, Delivré propose deux voies possibles en ce
qui concerne la gestion du temps : celle de la construction de soi –
atteindre ses objectifs, savoir qui l’on veut être et le devenir – et celle qui
consiste à se laisser porter par le temps et faire confiance à la vie. Ainsi,
« autant la première voie se vit dans le volontarisme, la réussite des
projets, la patiente construction de soi-même, autant la seconde se vit dans
l’abandon, le discernement intérieur, le « lâcher-prise » au niveau
du temps. La première voie est d’ordre humain, la seconde est d’ordre spirituel
(…) mystique » (p. 72-73). Dans ma compréhension, la citation de Nietzsche est une tentative de
concilier ces deux voies. Pour que naisse l’étoile qui danse, symbolique de
l’accomplissement et de la réalisation de l’homme créateur de sa vie, il
« faut encore avoir du chaos en
soi » : un abîme permanent et insondable où cohabitent nos ombres et
nos lumières, nos contradictions, nos désirs et nos peurs, nos doutes et nos
certitudes, notre enfer et notre paradis. Or, ce chaos, ce magma dynamique, changeant, en grande partie mystérieux et
difficilement maîtrisable est porteur de fruits car, pour le dire avec les mots
de Jacqueline Kelen (La Puissance du cœur,
Paris, La Table Ronde, 2009, p. 87) « plus l’être humain va
vers l’intérieur, vers la nuit des profondeurs, et se baigne dans le silence,
et plus le paysage s’ouvre et s’éclaire, plus le ciel s’étoile ». Tout acte de création – que cela soit d’un texte, d’un
tableau et, à plus forte raison, de sa propre vie – résulte donc d’un double
mouvement : vers l’extérieur et vers l’intérieur. Si, dans la première
logique, propre au développement personnel, nous sommes susceptibles d’être les
auteurs de notre vie en définissant les tenants et aboutissants de notre projet
de vie, la deuxième approche invite à l’humilité : à la fois notre
inconscient – notre chaos intérieur – et certaines contraintes inhérentes à
notre réalité et à la vie dans sa compréhension la plus vaste limitent le pouvoir des acteurs que nous sommes et conditionnent le rythme de notre
« chantier » ainsi que celui de l’ « avancée des travaux ». Et que faire alors lorsque la situation semble bloquée et
cela malgré toute notre bonne volonté et le travail que nous pouvons faire pour
nous « étoiler », pour exprimer et (faire) couvrir nos besoins et pour vivre en bonne intelligence avec notre
« chaos » intérieur ? Il s’agit alors de se rappeler que le sens de la vie ne
réside pas uniquement dans la direction que nous voulons lui donner et dans les
projets que nous nous efforçons de réaliser, mais que, humblement, les graines
des fruits à venir se plantent dans l’ici et maintenant. Car, comme le dit si bien Christiane Singer (Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le
ciel est en toi ? Paris : Gallimard, 2001, p.45), « chaque geste que tu
fais peut t'ouvrir ou te fermer une porte (…) À chaque instant la porte peut
s'ouvrir sur ton destin et par les yeux de n'importe quel mendiant, il peut se
faire que le ciel te regarde. L'instant où tu t'es détourné, lassé, aurait pu
être celui de ton salut. Tu ne sais jamais. Chaque geste peut déplacer une
étoile. Cette certitude que tout, aussi
minime en apparence et à chaque instant, puisse être relié à la face cachée du
monde, transforme radicalement la vie. Le brouillard de l'insignifiance est
levé. » En écrivant ces lignes, mes pensées vont à toutes les personnes que j’ai
accompagné et que j’accompagne au quotidien, que cela soit à titre
professionnel ou privé. Et elles vont aujourd’hui principalement à Sophie Henry, magnétiseuse à
Nyon, à qui la vie a offert des dons thérapeutiques qui lui ont permis
d’accompagner avec amour, joie, humilité, humanité et générosité un grand
nombre de personnes souffrant dans leur âme et dans leurs corps. En ce qui me
concerne, elle m’a permis d’y voir clair dans mon « chaos » et de
rester en lien avec mes « étoiles » en toute humilité. Ma dernière
visite dans son cabinet remonte au jeudi 10 décembre dernier : mon dos
était bloqué, j’étais coupé en deux et Sophie m’a rendu attentif, avec
bienveillance, que je voulais à nouveau « aller plus vite que la
musique » et contrôler….l’incontrôlable. La vie donne et reprend : Sophie nous a quitté suite à une rupture
d’anévrisme, le dimanche 13 décembre 2015, alors que probablement plusieurs
projets, plusieurs étoiles s’apprêtaient à danser dans le ciel de sa vie. Malgré
la tristesse et le chagrin que je ressens à la pensée de ce départ précipité et de tout ce
que Sophie aurait encore pu accomplir, il y a en moi un sentiment de joie lié à
une certitude : même si elle n’est plus physiquement parmi nous, son âme
et son énergie se sont élevées, se sont « étoilées » et, de là où
elle est pour l’éternité, elle continue à prendre soin de tous ceux qu’elle
aime. À vous toutes et tous, je vous souhaite de tout cœur de très belles fêtes
de Noël et une année 2016 qui vous permettra de vous « étoiler » et
de vous accomplir tout en développant la capacité de vous émerveiller devant
chaque petit détail, les yeux pleins d’ « étoiles ». PS Et, à nouveau, un grand merci à Félix, mon fils, pour ses superbes photos de ciels étoilés (plus sur https://www.flickr.com/photos/[email protected]/) |
Le coach et l’âme : un paradoxe ?
Posted on 14 November, 2015 at 17:03 |
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À l’issue d’une récente inter vision entre
coachs dans le cadre de Co-Action (plus sur : http://www.coaching-services.ch/groupe-intervision-co-action), les larmes sont montées, du plus profond
de mon être. Depuis plus de 7 ans que mon corps me signale
la présence de mon âme de cette manière, je pense avoir appris à
accueillir et à métaboliser ce signe de guérison. Sur le moment, la seule chose
que mon esprit ait été capable d’exprimer, c’était que les questions et les
retours – fort pertinents et sagaces à l’avenant – de mes pairs avaient touché
quelque chose d’ontologique chez moi. Je ressens le besoin d’y revenir aujourd’hui
pour mieux comprendre ce qui s’est passé et, plus encore, déterminer ce que je
peux ou veux en faire. Pour cela, je dois faire appel à un
« mot-concept » qui m’est cher et pour lequel une clarification me
semble nécessaire : l’âme. Il serait illusoire de tenter ici une synthèse
intelligente de la vaste littérature qui s’est penchée sur ce terme. Je vais
donc, de manière arbitraire j’en conviens, me limiter à quelques sources qui font
écho à mes représentations, à ma sensibilité et à mon vécu. Liée à la fois à la réalité corporelle et
spirituelle de chaque individu, l’âme revêt un caractère
paradoxal : elle joue un rôle fondamental de médiatrice entre, d’un côté,
le monde corporel, matériel, physique et sensoriel (« Le corps est le gant
de l’âme » propose Annelie Keil) ET,
de l’autre, une dimension qui nous dépasse, transcendée, immatérielle,
symbolique et imaginaire. Interrogée
sur les étapes de la vie humaine par Psychologies Magazine (http://www.psychologies.com/Bien-etre/Prevention/Hygiene-de-vie/Interviews/Vieillir-c-est-aller-vers-soi),
Viviane Thibaudier, thérapeute jungienne française, soutient que chaque individu est « tiraillé entre
des opposés (…) : les limites de notre personnalité ordinaire – le moi – et la
conscience que ce que nous sommes profondément est bien plus vaste – le soi ».
L’âme humaine représente donc ce point de rencontre, ce lieu où s’articulent la
réalité concrète observable et la réalité invisible ; une entité à la fois
biologique et spirituelle. À la
lumière de ce qui précède, je m’avance à interpréter ce qui s’est passé à l’issue
de l’analyse de la situation-problème exposée par mes soins à mes
collègues : un double mouvement, une sorte d’aller-retour pendulaire entre
deux parties qui constituent mon identité interne et professionnelle. D’une
part, mon ego – tout puissant, orgueilleux et contrôlant – a vu d’un très
mauvais œil le fait que quelqu’un d’autre que lui ait vu de manière si juste et
apparemment si visible ce qui lui avait échappé : que ce qui se jouait au
niveau tant du processus que des contenus de l’accompagnement en question était
en fait un miroir de ses propres hésitations et doutes. Une réaction qui n’a
fait que raviver une blessure narcissique certes cicatrisée mais toujours
présente. De
l’autre, mon âme m’a signalé que « quelque chose » de très profond n’était
pas suffisamment reconnu par moi-même et que je n’avais nul besoin de chercher
une quelconque légitimité auprès d’autres personnes ou de prouver mes capacités :
mes compétences ainsi que mon expérience de vie, notamment en lien avec mon
odyssée intérieure de ces dernières années, devraient me donner l’autorisation et
l’autorité de cheminer en confiance et d’oser être qui je suis en tant que
coach, même si ce n’est pas toujours « orthodoxe » : le coaching
n’est-il en effet pas un art et non une science exacte ? Si je pars du principe que l’on
ne peut accompagner une personne que jusqu’au point où on est allé soi-même, je
réalise que j’ai repoussé mes limites aussi loin qu’il m’a été possible de le
faire, probablement aussi loin qu’un individu puisse aller sans sombrer. Ce
constat ne me donne certainement pas la permission de mettre la personne que
j’accompagne en danger en voulant lui faire prendre le même chemin que moi ou à
l’encourager à s’enfoncer dans la dépression pour lui permettre un hypothétique
bénéfice dans sa vie professionnelle et personnelle. Cela serait non
seulement contraire à ma déontologie mais représenterait également un risque
pour la personne accompagnée ainsi que pour ma propre personne, tant au niveau
professionnel que personnel. De plus, même si mon identité
professionnelle me définit comme un coach accompagnant des individus par rapport
à des situations problématiques au travail, je peux également accepter en toute
confiance que mon action a des vertus thérapeutiques sur la personne
concernée : le coaching fait partie des techniques de ce que l’on appelle
les « thérapies brèves » qui ont pour but non pas de s’arrêter sur le
« pourquoi » (en cherchant par exemple les origines ou les causes des
névroses ou psychoses dans le parcours de vie des patients) mais sur le
« pour quoi » et le « comment » nos clients peuvent
améliorer leur qualité de vie au travail et, par voie de conséquence, dans les
autres domaines de vie. Ce constat ne me donne certes
pas l’autorisation de « jouer au thérapeute » en accompagnant des
personnes dont l’état psychique ne relève pas des compétences d’un coach mais
bel et bien de celles d’un psychiatre ou d’un psychothérapeute. Il me conforte
cependant dans le fait que je peux me donner la permission d’employer des
outils thérapeutiques, tout en acceptant les limites de leur utilisation. Pour conclure et dans le but
d’exemplifier certains de ces instruments, j’aimerais redonner la parole à
Diane Cousineau Brutsche. Dans les
dernières pages de son ouvrage, elle partage en effet quelques expériences de
sa pratique tout en évoquant des « gestes professionnels » de
thérapeute dont j’ai envie de m’inspirer pour ma pratique de coach sensible à
la présence de l’âme, que cela soit la mienne ou celle de l’autre : « Si (l’accompagnement) est un lieu
d'évocation de l'Âme, (il) ne peut l'être que par une relation d'Âme à Âme.
Mais il faut pour cela aller à sa rencontre là où elle se trouve, dans le
vide ; et on ne peut pas aller à la rencontre du vide de l'autre qu'à
partir de son propre vide » (p. 156) : c’est probablement pour
cette raison que le silence est un des outils les plus puissants de tout accompagnement,
mais aussi un des plus exigeants. La tentation est en effet grande pour le coach
de remplir le vide par un éclairage théorique et/ou une analyse de la situation,
prenant ainsi la casquette d’expert plus que de coach : un piège dans
lequel je confesse de tomber trop souvent, histoire de me rassurer et de
rassurer la personne accompagnée. L’humilité du coach
semble donc un des ses principaux atouts, au risque sinon d’être vu comme un
expert tout puissant, ayant réponse à toutes les interrogations de son client
et le dépossédant ainsi de son autonomie et de l’expertise de sa propre vie et
de son cheminement. Et c’est certainement
là pour moi un des plus beaux et profonds apprentissages de cette expérience
dans le cadre de l’inter vision citée en début d’article : la mesure de tout
ce qui me reste à découvrir et le chemin que je dois encore parcourir pour que
je puisse continuer à nourrir et à réjouir mon âme et celle de la personne que j'accompagne, principal facteur de
réunification et de pacification entre nos contradictions et nos tensions
internes. À vous toutes et tous, je
souhaite une très belle suite de chemin, à la rencontre de votre âme et, donc,
de vos paradoxes qui font de vous une personne vivante et vibrante, car à la
fois unique et reliée à une dimension qui la transcende. |
De l’illusion au réel…et retour.
Posted on 10 October, 2015 at 12:27 |
![]() |
Que cela soit par
rapport à mon propre vécu de « burn-outé » ou à celui des personnes
que j’accompagne lors d’une rupture de vie, je constate qu’un processus
irrémédiable s’enclenche et n’autorise que rarement un retour en arrière :
la désillusion. Ce mot-valise revêt
plusieurs significations qui correspondent chacune à des étapes qui jalonnent
le chemin emprunté. Comme pour les textes précédents, je me propose de
témoigner en faisant appel à mes souvenirs personnels en précisant, une fois
encore, que je ne prétends en aucune façon avoir raison ni de vouloir imposer
mon point de vue à qui que ce soit. Dans cette première
expression de la « dés-illusion », j’étais non seulement contraint de
me décevoir (ou « dé-se voir »), c’est-à-dire de me voir tel que
j’étais vraiment, sans masque ni artifices, mais également amené à décevoir d’autres
personnes pour qui cette illusion était une réalité à laquelle – pour des raisons
qui leur appartiennent – il était confortable de croire. J’assistais donc à la
mise en pièce de mes illusions : un processus douloureux, accompagné d'une
grande souffrance et de peurs abyssales suscitées par des interrogations sans
réponse dont LA question : « quel sens vais-je donner à ma vie
maintenant ? » Au début, je
contemplais toute cette agitation avec jalousie, colère et désespoir :
quel sens avait donc encore ma vie si je ne pouvais pas remonter sur scène et
jouer ma partition comme les autres ? Quelle était donc mon utilité
« ici-bas » si je ne pouvais par remonter en selle sur mon cheval et
galoper avec les autres dans le manège de la vie ? Cette désillusion-là
m’a ensuite mené progressivement vers ce que j’appelle une
« dés-identification » : comme il m’était physiquement et/ou
psychiquement impossible de porter les habits des personnages qui participaient
à la construction de mon illusion, je me suis progressivement délesté de mes
oripeaux, devenus inutiles car inutilisables, pour trouver mon identité dans la
seule action sur laquelle j’avais encore un semblant de maîtrise : mon
souffle. Pour le dire avec les
mots de Frédéric Lenoir, « nous ne pouvons pas d'avantage contrôler
totalement notre vie professionnelle soumise à tant d'aléas externes, ni nous
obstiner à vivre dans l'illusion de stabilité et de sécurité. Alors faisons de
notre mieux pour maîtriser ce qui peut l'être » (Petit traité de vie intérieure, 2010, p. 31). La plupart des
repères que j’avais patiemment construits pour me donner l’illusion que je
contrôlais ma vie et la vie s’étaient effondrés les uns après les autres :
le seul lieu sûr qui me restait (et me reste encore) était (et restera à
jamais) mon intériorité à laquelle un travail conscient, patient et régulier
sur ma respiration et mon corps me permettait (et me permet toujours)
d’accéder. Comme j’ai pu
l’expliciter dans un autre texte, l’accès à ce lieu de vie
intérieure n’a été et n’est possible qu’en accueillant mes émotions et mes
blessures, d’autant plus présentes que je les avaient ignorées pendant des
années, faisant de mes ombres de véritables fantômes. Ou, devrais-je dire,
des fantasmes – fantasma veut
dire fantôme en italien –,
c’est-à-dire des illusions. Si nos émotions et nos blessures sont bien réelles,
ce qui l’est moins c’est ce que notre ego et son fidèle allié, le mental, en
font : des productions qui distinguent l’être humain de tous les autres
êtres vivants ; des pensées qui, si nous n’y prenons pas garde, dirigent
notre vie sur le mode « pilote automatique » alors que nous sommes
persuadés de garder le contrôle du véhicule. Et c’est là une
étape-clé du processus de désillusion tel que je l’ai vécu : le mâyâ, concept central dans la
spiritualité hindouiste, que Yvan Amar définit comme étant « notre
réaction au monde et l'illusion et la souffrance qu'elle engendre » (L’effort et la grâce, 1999, p. 177). Ce
que nous pensons être la réalité n’est donc qu’une construction de notre
mental. Et une construction de la seule réalité tangible et incontestable :
le réel que Jean-Louis Servan-Schreiber voit dans le grand tout, le non-moi,
l’univers, l’inaccessible, l’essentiel, le mystérieux (C’est la vie. Essais, 2015, p. 33-36). Une vision qui
rejoint ce que mon intuition ainsi que le fait d'avoir côtoyé la mort m’ont si souvent soufflé à l’oreille : le silence intérieur, le Rien, le
Vide sont souvent la seule réalité qui ne soit pas une illusion. Et que c’est à
partir de ce « lieu-refuge » que je dois négocier avec moi-même mes
actions, mes choix et mes décisions à prendre dans la réalité du théâtre de la
vie qui, comme le dit Albert Einstein, « est simplement une illusion, quoique très persistante. ».
Pour ma part, j’ai fait mienne la devise de Jean Bouchart d’Orval (Le Secret le mieux gardé, 2007, p.
255) : « jouer le jeu sans s'y prendre, sans s'y perdre ». Cela dit, même si je
vois aujourd’hui le monde comme une gigantesque tragi-comédie et que cette
vision peut avoir quelque chose de ludique (de ludus, le jeu en latin), la vie
me rappelle invariablement que cette philosophie s’inscrit dans une démarche
spirituelle qui, pour le dire avec les mots de Jacqueline Kelen, « est âpre, tendue, exigeante : lutte
intérieure contre les prétentions et les illusions du moi, gouvernement des
passions, résistance active face aux tentations nombreuses sur le chemin, face
à la peur (…) une ascèse,
c'est-à-dire une discipline, un exercice constant, une pratique rigoureuse. »
(Sois comme un roi dans ton coeur,
2015, p. 120). Mon odyssée intérieure et le processus de
désillusion m’ont fait me sentir souvent très mal à l’aise dans une réalité qui
pour moi n’en était plus une. Je me sentais souvent complètement coupé et
isolé, assistant tel un spectateur incrédule aux gesticulations de mes
congénères affairés à entretenir leurs illusions. Aujourd’hui, j’ai l’impression de
m’être à nouveau « réincarné » et de réinvestir mes personnages
d’avant avec une conscience nouvelle. C’est un vrai soulagement de retrouver
mes anciens repères et d’être en pleine possession de mes moyens physiques,
psychiques et intellectuels. Et c’est aussi une source de crainte : celle
de me laisser à nouveau guider par mes fantasmes, par mes illusions et par mon
ego, tout puissant et narcissique ainsi qu’angoissé et anxieux. Le fait de partager mon vécu ainsi que mes
réflexions, doutes et convictions, comme je le fais dans le cadre de mon blog, lors
des témoignages en public ou, beaucoup plus rarement, en tant que coach, me
sert donc avant tout d’« Assurance-Vie » : une manière de rester
« Vie-gilant » sur ce nouveau chemin. Même si ces activités peuvent
également mettre en avant mon ego, que cela soit à mes yeux ou à ceux des
autres. Un paradoxe dont je suis conscient et qui se révèle à la fois être une
force et un frein sur ce nouveau chemin. C’est certainement aussi le prix à payer pour
contribuer à la genèse de l’Homme en moi et en l’autre, dans toute sa
complexité, sa profondeur et son mystère. Une finalité qui, comme le soulève
Georges Haldas, peut à la fois représenter « le sens le plus profond ou (une)
suprême illusion » dans ma vie. PS Les illustrations de ce texte sont des peintures d'une jeune artiste américaine, Meghan Howland, dont j'ai apprécié la sensibilité et le mariage entre surréalisme et réalisme (plus sur son site : www.meghanhowland.com) |
Le coach, un marchand de bonheur ?
Posted on 9 October, 2015 at 15:31 |
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Une recherche menée en 2007 par deux
disciples de Martin Seligman, père de la psychologie positive, a conclu que
l’aspiration prioritaire des dix mille personnes interrogées dans quarante huit
pays consiste avant tout à être heureux, loin devant la quête du sens de sa
vie, l’existence du paradis ou l’obtention de la richesse. J’ignore si mes client-e-s font
partie de l’échantillon consulté, mais j’émets l’hypothèse que, si je leur
posais la question, la réponse irait dans la même direction. Ce qui n’est guère
surprenant : si les personnes que j’accompagne ont recours à mes services,
c’est prioritairement pour mieux vivre une situation professionnelle qui, doux
euphémisme, ne contribue en tout cas pas à leur bonheur, quand elle n’est pas
carrément source de stress voire de souffrance. En réponse à ce constat, d’autres
études en lien à la psychologie positive aboutissent à une liste de conseils
qui se basent sur ce que font les gens qui sont heureux comme, par exemple,
s’entourer de gens heureux, agir pour être heureux, faire don de soi ou être
optimiste. Mon intuition et ma déontologie me disent que non, mais cela ne suffit pas à me
rendre heureux. Je décide donc de trouver ma félicité ailleurs. Dans son ouvrage Du bonheur. Un voyage philosophique (Fayard,
2013), le philosophe des religions Frédéric Lenoir nous invite à découvrir ce
que ce concept signifie aux yeux des différents sages dans l’Histoire, des
anciens Grecs aux penseurs contemporains. En simplifiant beaucoup, toutes les
écoles se rejoignent sur deux points : il n’y a pas de bonheur sans désir et
on ne peut être heureux sans une nécessaire négociation entre nos désirs et
notre raison, en fonction surtout de notre réalité contextuelle. Si je fais le lien avec les
accompagnements menés par mes soins jusqu’à ce jour, je constate que, au
démarrage du moins, il y a effectivement un désir et il est dans la plupart des
cas de changer le contexte ou,
parfois, de contexte. C’est une
attitude compréhensible et à prendre en compte, surtout lorsqu’il s’agit de situations
qui sont sources de souffrances. Or, toujours selon l’auteur
français, toutes les études sociologiques sur le bonheur de ces trente
dernières années tendent à montrer que seuls 10% des aptitudes au bonheur
relève des circonstances extérieures, alors que 50% dépendent de la sensibilité
de l’individu et 40% de sa capacité à fournir des efforts personnels. En – très
– gros : j’ai plus de chance d’être heureux si je mets mon énergie à
travailler sur ma relation à moi-même et à la situation professionnelle
problématique que si je m’efforce à vouloir changer le fonctionnement de mon
entreprise ou de mon patron – même si la responsabilité de ces derniers est
engagée et n’est donc pas à minimiser. Il s’agit par conséquent, pour le
coach, d’aider la personne accompagnée à glisser progressivement d’une logique
d’adaptation du contexte à ses désirs à celle d’une réflexion sur ce qui se
cache derrière ces mêmes désirs – notamment ceux qui débouchent sur des
objectifs trop élevés et des attentes irréalistes ou ceux qui sont restés
lettre morte – et qui participe au
malheur et au bonheur au travail. Et ce chemin-là ne se
laisse ni vendre « en kit » ni définir à l’avance : il est à
construire. Il s’agit là d’un acte éminemment créateur et créatif qui part de
l’intérieur de la personne elle-même et qui s’oppose à toute tyrannie, y
compris celle, très actuelle, du bonheur : ce dernier ne se trouve-t-il d’ailleurs
pas plus dans les détours du voyage qu’arrivé à destination ? Tiré
de Psychologies
Magazine, juin 2015, pages 72 à 75. Cet article est une reprise légèrement augmentée d'un texte paru à l'origine sous la forme du "Billet du coach" sur le site de Coaching-Services (http://www.coaching-services.ch/newsletter/le-coach-un-marchand-de-bonheur) |
Être ou avoir été un chat
Posted on 12 July, 2015 at 9:53 |
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