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Le temps pour Chemin, le temps du chemin
Posted on 5 April, 2014 at 5:01 |
Comme
souvent dans une phase de transition ou après une rétro-boucle (« reculer
pour mieux sauter »), la vie me mène dans un lieu magique où j’aime me
ressourcer, me recentrer, m’accorder du temps ou m’accorder tout court :
l’Hôtel-Pension Beau-Site, à Chemin-sur-Martigny. Il y a d’abord la maison,
construite en 1912, dans et autour de laquelle le temps semble s’être arrêté,
loin de la course et du rythme souvent effréné du monde « d’en-bas », cette réalité qui semble à des années lumières une fois que l’on a bravé les lacets
étroits qui mène de Martigny-Croix à Chemin-Dessus. Comme
le dit le petit dépliant de présentation que l’on trouve sur le secrétaire de
la chambre : « l’atmosphère particulière du Beau-Site ne peut pas se
décrire, elle doit être vécue » (Plus sur www.chemin.ch, avec un clin d'oeil de gratitude au passage pour toute l'équipe qui travaille, à l'ombre et au soleil, pour servir la vie et l'esprit du lieu).
Pour ma part, j’apprécie tout particulièrement la présence de
ces gardiens de la montagne, témoins du temps et de la vie, et j’en choisi à
chaque visite un autre – c’est d’ailleurs plus souvent lui qui me choisit –
pour l’étreindre, dialoguer avec lui et m’inspirer de sa sagesse. L’énergie
de Chemin et ses environs est donc plus que propice pour méditer sur le sens de
son propre cheminement, de ce que la vie nous permet de vivre, que cela soit
joyeux ou douloureux, et de faire le point pour avancer le plus sereinement
possible…jusqu’à la prochaine bifurcation. Le
temps pour Chemin est plutôt prévisible : environ une heure et demie
depuis mon domicile. La route est toute tracée, ma voiture la connaît presque par cœur.
Mis à part les éventuels bouchons en fin d’après-midi et les quelques rares
véhicules indigènes qui ont la "mauvaise" idée d’emprunter l’itinéraire – digne
d’un rallye corse – dans le sens inverse du mien, m’obligeant parfois à
transformer mon modeste moyen de transport en un 4x4 rugissant, le trajet est
sans surprise, du moins en théorie. Le
temps du chemin de vie est, on s’en doute, bien différent. Il n’est ni
prévisible, le parcours n’étant ni tout tracé ni sans surprise, même en
théorie. Et pourtant, que la tentation est grande de désirer que ce parcours soit
une route balisée, cartographiée, répertoriée, « gps-isée », donc maîtrisable
et maîtrisée. J’en veux pour preuve non seulement mon expérience personnelle, mais
également celle des personnes que j’accompagne et qui, si elles n’y sont pas
rendues attentives, veulent prendre des décisions sans se laisser le temps de
se poser les bonnes questions. Dobelli conclut son texte par une citation de Blaise Pascal : « Tout le malheur des hommes provient du
fait qu’ils ne sont pas en mesure de rester tranquillement dans leur
chambre ». Et
c’est exactement ce que je fais lorsque je me rends à Chemin : hormis la
ou les ballades dans la « forêt éternelle », je reste, tel un moine
dans sa cellule, cantonné dans « ma » chambre. À lire, méditer,
écrire, écouter de la musique, dormir, rêvasser. Bref, à ne rien entreprendre
pour faire évoluer la situation. Si ce n’est – et c’est essentiel – prendre
soin de moi.
La
question qui se pose – et elle finit toujours par être formulée – est :
mais quand est-ce que je sais que je peux ou dois agir, entreprendre quelque
chose, prendre une décision ? Pour abréger l’inconfort voir la douleur liée
à cette incertitude, il serait aisé de donner une réponse assortie d’un délai.
Rolf Dobelli – manager et financier, précisons-le – cite des recherches qui sont
formelles : au plus tard après trois mois, le ciel de notre esprit est
suffisamment serein pour qu’il soit bon d'agir et de faire des choix. Cette
réponse n’est pas satisfaisante, surtout lorsqu’il s’agit de décisions
qui engagent l’avenir de la personne qui les prend. Cette échéance rassure
certainement notre société qui vise à réintégrer ou à réinsérer au plus vite
une personne « en crise » afin de ne pas rompre la chaîne de
productivité et pour éviter de générer des coûts souvent exorbitants. Mais mon
expérience m’amène à dire que le fait de prendre la tangente pour, le plus
rapidement possible, se relever et se remettre en selle peut s’avérer une
mauvaise stratégie : la personne aura apparemment résolu la situation problématique en
adaptant éventuellement quelque peu la réalité, mais n’aura pas traité le
problème à la racine. Et comme nous faisons toujours partie du problème, la solution passe donc obligatoirement par un travail sur soi et donc par un processus
qui prend du temps. Et, pour reprendre les propos de Lytta Basset, les
injonctions du type « il faut »
sont souvent contre-productives, surtout lorsqu’il s’agit d’aller au fond des
choses, au fond de soi, au fond de sa blessure (Au-delà du pardon. Le désir de tourner la page. Paris, Presses de
la Renaissance, 2006, p. 121) « Mais
alors, me direz-vous, combien de temps doit-on attendre pour passer à l’action
et prendre une décision ? Trois mois ? Plus ? Une vie ?
Quelle horreur ! ». Et vous auriez raison de vous insurger. Et
pourtant : la réponse est impossible, car elle n’est ni universelle ni
définitive. Comme dirait Fernand Raynaud dans le sketch où il demande combien
de temps il faut à un canon pour refroidir après avoir tirer un boulet :
« Ça dépend ». Et ça dépend de tellement de facteurs qu’il est
impossible de donner une réponse claire et, donc, satisfaisante pour calmer
notre angoisse. Se dessine ici le cœur d’un art qui demande patience et discipline :
celui de savoir attendre que les fruits soient mûrs et de pouvoir rester à
l’écoute de notre cœur et de notre intuition. Pour, entretemps, se donner cette
douceur envers nous-même qui souvent nous fait défaut et se concentrer sur la
seule chose qui soit en notre possession, « une chose qui n’est pas
rien : l’instant (…) À côté de la certitude de la mort, il y a en nous
cette certitude d’être les maîtres de l’instant » (François Cheng, Cinq méditations sur la mort autrement dit
sur la vie. Paris : Albin Michel, 2013, p. 50). Si
vous vous trouvez actuellement à un carrefour de votre vie, je vous propose
donc de vous arrêter, de prendre le temps qui vous sera nécessaire pour faire
la paix avec vous-même et avec le monde, pour évaluer le chemin parcouru – et
dont vous pouvez être fiers, car personne à part vous n’a vécu votre vie – et
scruter l’horizon tel que vous aimeriez le peindre, le sculpter, le créer. Sans céder
au chant des sirènes de "l’action à tout prix" ni à la pression d’un entourage
aussi et parfois même plus anxieux que vous. Et, pourquoi pas, vous faire
accompagner pour y voir plus clair en vous-même et par rapport à vos choix
futurs, en répondant à l’injonction tout sauf paradoxale : « Sois autonome,
demande de l’aide ! » (G. Le Cardinal). Bon chemin ou Chemin…ou les
deux, à vous de choisir. |
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