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Être ou avoir été un chat

Posted on 12 July, 2015 at 9:53

Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour ou une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligent parce qu'ils nous rendent ignorants.
(Christian Bobin)
 
On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va (Jacques Prévert)
 
Le meilleur tombeau pour les morts, c’est le cœur de vivants (Victor Hugo)
 
Mercredi 17 juin, dans le courant de la matinée, Bakou, notre chat roux et blanc de 8 mois, est fauché à la fois par la mort et par la moissonneuse dans le champ à côté de notre maison.
Après les pleurs, le chagrin, la tristesse, l’incompréhension, le sentiment d’injustice (« Pourquoi si tôt et de manière si brutale ? »), la colère contre le paysan ainsi que l’hébétude vient le moment de rendre un hommage à notre premier – et certainement pas dernier – chat.
 
Bakou est arrivé dans notre famille peu après Noël – un cadeau de la vie dont l’importance ne nous est apparue que plus tard. À l’origine, il s’en est fallu de peu que le projet « chaton à la maison » ne voie pas le jour : mis à part Audrey, notre fille de 15 ans et demie, qui désirait plus que tout avoir un chat comme compagnon et confident, le reste de la famille y voyait plus d’inconvénients que d’avantages. Rapidement cependant, nous avons fondu devant cette petite boule de poils dont nous recevions les photos de manière régulière depuis sa naissance et cela par le truchement de la propriétaire de la maman de notre futur protégé.
 
Une fois chez nous, les premières semaines n’ont pas toujours été de tout repos : miaulements en pleine nuit, odeurs désagréables et quelques problèmes de communication – le langage « chat », ça s’apprend ! Mais, dans l’ensemble, Bakou s’est révélé être la crème des chats : doux, affectueux, joueur, malin, curieux. Le matin, dès que le réveil sonnait, il sautait dans notre lit et venait frotter son museau à notre visage en ronronnant comme un moteur de voiture : un vrai diesel ! Et, lorsque je faisais ma sieste, il venait systématiquement se mettre en boule sur ma poitrine après m’avoir léché le visage.
 
Notre voisin l’a d’ailleurs appelé le « chat chien », car Bakou avait pour lui l’indépendance du chat – très rapidement, les alentours de la maison ont été plus attrayants que l’intérieur – et la loyauté et la fidélité du chien : c’était toujours une fête pour lui comme pour nous lorsque, après une demie-journée ou, plus rarement, une journée complète, il revenait à la maison : miaulements, ronronnements, petits coups de langue, yeux mis clos (ce qui est, paraît-il, un signe d’accueil et de reconnaissance) et séances de « caressothérapie ».
 
Et c’est là un élément que j’aimerais relever au sujet de notre chat et qui, de par son absence et par le manque, n’en devient que plus évident : Bakou était un vrai thérapeute et cela pour plusieurs raisons.
 
Son ronronnement, tout d’abord. Les effets de la « ronronthérapie » ne sont pas négligeables : il y a toute une littérature sur cette thématique et, s’il y a beaucoup d’hypothèses sur ce qui fait que le chat produit des vibrations à certains moments, le mystère reste souvent entier. Une chose est sûre : le « brrrrrrrrrrrrrr » plus ou moins fort que le corps du chat produit fait du bien autant au chat qu’aux personnes qui se trouvent dans son entourage immédiat. Comme si nos âmes vibraient à l’unisson et que cela nous conduisait progressivement vers le calme et la paix intérieure. Plus rien n’existe en dehors de cette union, notre mental se calme et nous nous centrons sur le corps du chat et, indirectement, sur le nôtre : une vraie méditation.
 
Un autre bienfait thérapeutique relève des caresses que nous avons prodiguées à Bakou (très souvent) et celles que notre chat nous réservait (moins souvent). Dans les deux cas, que d’amour ! En ce qui me concerne, les effets sont les mêmes que pour les ronronnements : l’apaisement, le recentrage et la paix intérieure. Comme si, en prenant soin de mon chat, je prenais soin d’une partie très profonde de mon être. En d’autres mots : donner de la douceur à Bakou, c’était me donner de la douceur à moi-même.
 
Puis, il y a cet « égoïsme sain » dont les chats sont les champions. Bakou passait en effet ses journées (et probablement aussi ses nuits) à se donner des permissions. Peu de devoirs dans la vie d’un chat, mais beaucoup d’autorisations à se faire du bien. Pour moi dont le sens du devoir est bien présent (je me soigne) et qui oublie encore parfois d’exprimer mes besoins, le fait d’observer notre chat était extrêmement formateur : lorsque Bakou voulait sortir, manger, boire, dormir, jouer, être caressé ou qu’on le laisse tranquille, il se débrouillait toujours pour exprimer son besoin et le couvrir ou le faire couvrir par quelqu’un. Et le plus extraordinaire, c’est que non seulement notre chat était heureux mais il me procurait du bonheur rien qu’en le regardant vivre. Une belle leçon de développement personnel !
 
La disparition soudaine et brutale de notre chat a mis tout cela en lumière, de manière plus ou moins consciente selon les personnes et membres de la famille. Comme j’ai pu l’exprimer en introduction à ce texte, tout deuil génère des émotions vives et il est important qu’elles soient vécues et accueillies, quelle que soit la temporalité de cette étape. Pour ma part, le décès de notre chat a rouvert des blessures plus anciennes liées à l’abandon ou à des morts violentes.
 
Ces blessures identifiées, il me reste la confrontation aux questions de sens pour lesquelles il n’y a pas de réponse définitive et univoque : ma propre finitude et celle des personnes qui me sont chères, l’utilité ou la vanité de notre présence dans ce monde. Comme le dit très justement Christian Bobin dans la toute première citation, il ne me reste plus que l’ignorance, forme suprême d’intelligence et de sagesse.
 

Et, après toutes les leçons que Bakou a pu m’enseigner de son vivant, sa mort aura confirmé ce que j’ai retenu des précédents deuils que j’ai pu traverser : la gratitude pour toute la force de vie et d’amour donnée et reçue est une source de joie intarissable qui n’efface certes pas les autres émotions mais qui donne du sens à la perte ainsi que de l’espérance.
 


Merci donc à toi, Bakou, notre premier chat, pour tout ce que tu nous a apporté et appris : ton court passage parmi nous aura été source de vie et d’amour, même après ta mort.



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